top of page

La bûche de Noël dans l'Orléanais (1876)


Dessin de Léon Lhermitte paru dans Le Monde illustré du 1er janvier 1884

De toutes les fêtes catholiques, Noël était celle qui se célébrait jadis, avec le plus universel élan et le plus joyeux entrain, dans l' intérieur des familles.


La veille, à la campagne comme à la ville, à la campagne surtout chez les riches comme chez les pauvres, que commençaient ces réjouissances, auxquelles nos pères étaient si fidèles.


Tout d'abord, la ménagère plaçait dans le foyer au milieu d'un épais lit de cendres et enguirlandée de branches de bruyères ou de genièvre, la plus forte souche du bûcher. En Beauce comme en Berry, ce n'était ni plus ni moins qu'une culée de chêne provenant autant que possible d'un chêne vierge de tout élagage et ayant été abattu à minuit. Cette maitresse bûche s'appelait et s'appelle encore cosse de Nau (Cosse ou codex de Nau : mots berrichons qui signifient : souche de Noël), dans notre Sologne berrichonne. Dans la Beauce et dans le val orléanais (rive gauche de la Loire), elle se nomme, selon les localités, trefoy ou trefo, trifoué ou trifouyeau. En plein Berry, on dit : truffau (prononcez troufiau.) (On appelait ainsi la bûche de Noël parce que, étant trois fois plus grosse qu'à l'ordinaire et devant durer trois jours, elle donnait la chaleur de trois feux).


Le moment de déposer dans l'âtre nettoyé avec soin. la bûche tra­ditionnelle, variait selon les pays. Ici, on la plaçait aux premiers coups de la cloche annonçant l'office nocturne ; là on attendait l'instant où la cloche sonnait la Voix-Die, c'est-à-dire l'élévation de la messe de minuit. C'était le grand'père, ou même le plus jeune enfant, qui après l'avoir aspergée d'eau bénite, y mettait le feu, en se signant et pro­nonçant à haute voix: In nomine Patris...


Le trefoué ou trifouyeau, devait brûler sans flamme, l'espace de}rois jours, afin d'entretenir une constante et douce chaleur dans la chambre où se réunissaient avant et près les offices, mais principa­lement avant et après la messe de minuit, tous les membres de la communauté.


La Bûche de noël allumée, la mère de famille conduisait ses plus petits enfants à la messe du cossin blanc, c'est-à-dire qu'on les mettait au lit. Mais auparavant, pour sécher leurs pleurs, elle leur faisait placer dans l'âtre rayonnant, sur les deux extrémités de l '­énorme bûche leurs petits sabots, en leur promettant qu'à minuit le petit Enfant- Jésus ne manquerait pas de venir y déposer quelques présents. En effet, pendant qu'ils dormaient, l'aïeule y glissait des fruits, des jouets et des gâteaux. On appelait ces gâteaux, en Berry, des naulets (petites galettes, qui représentaient d'un manière informe l'Enfant Jésus, qu'on appelait même le petit Naulet), en Beauce des nieules (espèces d'échaudées) et aux environs d'Orléans, les cochelins (petites galettes feuilletées, ovales ou lozangées, qui étaient saupoudrées de grains en sucre, rose et blanc).


Cette naïve coutume "des étrennes du petit Jésus», attendues sous le manteau de la cheminée, n'a pas complètement disparu parmi nous ; mais elle n'est, plus aussi universelle qu'autrefois. Maintenant, dans beaucoup de familles aisées, c'est l'arbre de noël qui tend à la détrôner. Rien de moins français, rien de moins oriental. Sans doute, il y a bien quelque poésie dans ce bouquet vert enjolivé, illuminé et chargé de jouets enfantins. Néanmoins nous avouerons que les Prus­siens nous l'ont singulièrement gâté. Qui de nous ne se rappelle avoir vu ces hommes de neige abattre les rares sapins de nos bosquets, rien que pour en détacher la cime ? Dressée dans un tonneau, cette cîme devenait leur "arbre de Noël", après qu'ils avaient suspendu à ses branches des pommes au lieu d'oranges, et des saucisses en ma­nière de guirlandes : le tout était éclairé à giorno avec des bouts de chandelles fumeuses. Laissons donc aux hommes du nord leur lugubre bouquet de sapin, et reprenons la coutume si française des petits sabots mis dans l'âtre pendant la messe de minuit pour le plus grand bonheur de nos naïfs enfants.


C'était au retour de la messe de minuit que se faisait le repas appelé réveillon, ou encore gros souper. Ce repas, lui aussi, venant après un jeûne de vigile, assez généralement observé, avait des mets et des chants traditionnels. Le porc composait Ie menu de ce festin nocturne, sans doute parce qu'à cette époque de l'année sa chair est meilleure. Aussi lit-on dans certains calendriers :


Qurerit habere cibum

Porcum mactando december .. !

Toutefois ce n'était que sous certaines formes et par parties que la victime était servie sur la table. Partout son sang apparaissait sous forme de boudins, et sa chair hachée sous celles de crépinettes ou de saucisses longues, qui, dans certaines communautés religieuses, étaient servies individuellement avec ce mot original prononcé gravement par le frère servant : tibi. La fin du repas était égayée par le chant de noëls locaux, ou pastourelles, dont nous parlerons prochainement.


Cependant la bûche, de Noël se consumait lentement. Les fêtes ter­minées, on recueillait les débris du tréfoué, et on les conservait d'une année à l'autre. Mis en réserve sous le. lit du maître, toutes les fois que le tonnerre se faisait entendre, celui-ci en prenait un morceau ou camochon et le jetait dans la cheminée ; et cela suffisait pour pro­téger la maison et la famille contre le feu du temps, c'est-à-dire contre la foudre.

Aurelius

in Annales Religieuses et Littéraires de la Ville d'Orléans, 1876, p. 775-777

_edited.png
Horaires d'ouverture

Lundi, mardi et vendredi

14h à 17h

Jeudi

10h à 12 et 14h à 18h

Vacances scolaires

Mardi et jeudi

14h à 17h

mercredi

9h à 12h

Liens utiles
Par catégories
Par tags
Pas encore de mots-clés.

Ne manquez pas les nouveaux articles

Email

  • Facebook
  • YouTube
bottom of page