La Caserne des Jacobins place de l'Etape
Incendie du 20 janvier 1880 à Orléans
La vieille portion de la caserne de l’Étape est détruite, le bâtiment incendié, faisant parallèle avec la rue Pavée, était affecté aux magasins du 30e régiment d'artillerie, comprenant les effets d'habillement et d'équipement. On logeait les secrétaires d'état-major, les dragons de l'escorte du général commandant le 5e corps, et les artilleurs de la section hors rangs : environ 200 hommes.
Comment le feu a pris ? Diverses versions circulent à cet égard, et il est difficile de rien affirmer. L'hypothèse généralement admise est que, lundi soir, une conférence avait été faite dans une salle du troisième étage. Vers neuf heures, les hommes se retirèrent dans leurs chambrées, fermant la porte à clé et laissant un poêle allumé. Des flammèches ou des charbons incandescents durent rouler sur le plancher et y communiquer le feu. Les dragons de l'escorte, logés dans une chambre en face, furent les premiers à donner l'éveil. Il était alors une heure du matin. En quelques instants l'incendie prenait des proportions effrayantes et, gagnant les greniers, embrasait toute la toiture. Ces greniers sont d'un seul tenant. On a dû se borner à sauver tout ce que contenaient de matériel les magasins des étages inférieurs. Ce sauvetage s'est opéré avec ordre et précision, sous le commandement d'officiers de l'artillerie et du génie.
On a sauvé des armes et une provision de cartouches dont l'explosion aurait pu déterminer de terribles accidents.
Ce sauvetage s'opérait pendant que les tambours des pompiers parcouraient la ville; les bras ne manquaient pas, toute la garnison étant déjà sur pied; mais l'eau se congelait au fur et à mesure dansles pompes; et le jet des lances, si habilement maniées qu'elles fussent, n'atteignait point la toiture qui s'est effondrée vers deux heures et demie du matin.
A ce moment, c'était un spectacle aussi effroyable qu'imposant. La Cathédrale se trouvait illuminée dans son ensemble par les lueurs sinistres de l'incendie ; les flammèches, projetées au loin par un vent assez violent venaient s'abattre jusque dans la rue Jeanne-d'Arc et sur la place du Musée, menaçant de communiquer le feu une partie de la ville. Les maisons voisines, et la Bibliothèque entre autres, sont entassées tant de richesses bibliographiques, pouvaient s'embraser d'une minute à l'autre. Des escouades de pompiers et de travailleurs arrosaient les toits sans relâche, prêts parer tout commencement d'incendie. A quatre heures seulement, ou était rassuré sur le sort de cos maisons.
Pendant trois nuits et deux jours, les pompes ont fonctionné. Le service a été fait par les pompiers, les artilleurs et les soldats d'infanterie qui se sont succédé sans relâche, malgré l'extrême rigueur de la température. Les peltes sont considérables.
HISTORIQUE DE LA CASERNE DE L'ÉTAPE,
Le bâtiment de la caserne de l'Etape, qui vient d’être incendié, était la chapelle de l'ancien couvent des Jacobins. Elle n'avait d'autre valeur artistique que de posséder une de ces magnifiques charpentes de chêne, dont les constructeurs semblent avoir perdu le secret.
Ce couvent des Frères plus connus sous le nom de Jacobins, avait été fondé en 1218, sur le conseil du Bienheureux Reginald d'Orléans et sur l'ordre de saint Dominique, qui, l'année précédente, avait séjourné dans notre ville, et qui alors résidait au couvent de la rue Saint-Jacques de Palis. Ce saint revint-il dans nos murs pour fonder dans le veau cloitre la confrérie du rosaire ? Ce n'est là qu'une tradition qui no s'appuie sur aucun document sérieux, et qui ne s'accorde pas avec l'histoire de saint Dominique.
Ses disciples acquirent bientôt, parmi nous, une telle renommée de science théologique, que les écoles publiques d'Orléans, où l'on enseignait tant la théologie que le droit, furent installées dans le couvent, et que l'Université de Lois, instituée en 1305 par le pape Clément V, y eut son premier berceau. Elle y resta jusqu'en 1337, époque à laquelle elle transféra ses cours dans le voisinage du monastère bénédictin de Bonne-Nouvelle.
S'il est difficile de prouver que saint Edmond, archevêque de Cantorbéry, qui quitta la France en 1219, fut un de ses élèves ; il est certain que saint Richard, évêque de Chichester, y vint étudier la théologie.
Parmi les Dominicains qui illustrèrent cette maison, on cite encore deux Orléanais : Jean de l'Alleu qui avait été chanoine de l’Église d'Orléans et chancelier de l'Université de Paris (1306), Etienne de Paris, qui évêque de Bellone, fut vicaire général de l'Ordre pour la France.
Le couvent d'Orléans, avant d'être renfermé dans la ville, fut ruiné deux fois pendant la guerre de Cent-Ans, en 1370 et en 1428.
Reconstruit après le siège, il fut ruiné de nouveau par les protestants, dans les troubles religieux de 1567. Mais, quelques années après, en 1575, un généreux bourgeois d'Orléans, Jacques Alleaume, ancien receveur de la ville. et Madeleine Compaing, son épouse, réédifièrent de leurs deniers personnels le réfectoire, les dortoirs et la chapelle, que le feu vient d'anéantir.
M. Pierre Fougeu d'Escures, maire d'Orléans, au XVIIe siècle, augmenta, par de nouvelles constructions, les bâtiments claustraux que les religieux démolirent ensuite pour leur donner plus d'étendue.
C'est à tort qu'on a écrit que l'Assemblée provinciale de l'Orléanais tint, en 1787, ses séances dans la salle des Jacobins (L'Assemblée siéga successivement dans une des salles de l'hôtel de ville et dans la salle des Minimes). Mais ce fut dans leur église qu'en 1789 les trois ordres se réunirent pour élire leurs députés aux Etats Généraux.
La Révolution sécularisa et s'appropria, comme bien national, le couvent des Jacobins, qui devint caserne, sous la dénomination de Jean-Jacques Rousseau.
Après la tourmente révolutionnaire, cette caserne a repris le nom de caserne des Jacobins. Si à défaut des pierres que le temps, le feu et les hommes détruisent à qui mieux mieux, ce nom lui survit, il suffira du moins nous rappeler le passé de ce coin de notre vieil Orléans.