Notre Dame des Barres à Boigny

G. Leluc in Revue d'histoire de l'Eglise de France, 1922

Le 10 septembre dernier, à Boigny, Mgr d'Allaine, archidiacre et vicaire général d'Orléans, bénissait une statue de la Vierge, de style gothique, honorée sous le vocable de Notre-Dame des Barres, du nom d'un hameau de la commune. Ainsi se trouvait rétablie une dévotion locale plusieurs fois séculaire et depuis longtemps tombée dans l'oubli.

A vrai dire, les vieilles gens du pays se souviennent encore qu'autrefois, sous la monarchie de Juillet, certaine procession assez solennelle s'était déroulée à Boigny en l'honneur de Notre-Dame des Barres. Mais cette tentative de restauration d'un pèlerinage jadis fameux avait été sans lendemain. Une statue de ta Vierge installée dans une niche au hameau des Barres et renouvelée à chaque génération, une « fête des Barres », fixée au premier dimanche de septembre, mais très profane et qui avait fini par perdre tout attrait, voilà quels étaient, hier encore, les seuls témoins d'un passé obscur.

Or cette année même, notre confrère M. Charles de Beaucorps découvrait aux archives du Loiret une série d'actes allant de 1340 à 1624, tous relatifs à Ia chapelle d'une maladrerie, sise au hameau des Barres et dépendante du chapitre cathédral d'Orléans. Dédiée à Notre-Dame, cette chapelle avait été durant plusieurs siècles le siège d'une dévotion particulièrement suivie et renommée. En douterai-ton ? L'un des parchemins mis au jour par M. de Beaucorps en apporte l'éclatant témoignage. Il s'agit d'un diplôme du roi Philippe VI, du 12 novembre 1342. Par cet acte, le roi accorde à la maladrerie de Notre-Dame des Barres le droit d'usage en ses bois d'Orléans. Et voici les motifs qui ont provoqué la donation : « Comme les proviseurs, frères et sœurs de la maladrerie Nostre-Dame des Barres pour les très grans et évidens miracles qui ont esté au temps passé et encore sont faiz notoirement de jour en jour au dit lieu, aient encommancié une chapelle en l'onneur et révérence de la benoîte glorieuse Vierge Marie des aumosnes que les pèlerins et bonnes gens qui de loing y viennent en pèlerinage y ont fait et font chascun jour ».

Voilà des de noblesse tels que bien des cultes locaux seraient heureux d'en posséder.

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Dans Le journal du Loiret du 13 septembre 1922

Boigny est un tout petit village, situé à 9 kilomètres d'Orléans, au nord de Chécy.

M. Goyau tait mention de Boigny dans sa magnifique Histoire religieuse de la France.

C'est en effet, au cours des siècles, Boigny été un centre important de vie religieuse.

Au XIIe siècle, Louis VII, revenant des croisades, faisait venir en France les Chevaliers de Saint-Lazare. L'ordre hospitalier et militaire de Saint-Lazare avait été fondé Jérusalem, pour défendre pèlerins de Terre Sainte et les lépreux. Aux nouveaux venus, Louis le Jeune donnait le domaine royal de Boigny qui fut jusqu'à la grande Révolution, le siège de la commanderie de l'Ordre.

Mais avant l'arrivée des Chevaliers hospitaliers de Saint-Lazare, il y avait déjà sur Boigny, au hameau des barres, une léproserie, ou maladrerie, 'et une Chapelle relevant du chapitre d'Orléans. Cette chapelle devint un lieu de pèlerinage très fréquenté. Un diplôme du roi Philippe VI (12 novembre 1342), retrouvé aux Archives du Loiret (G. 437), par le baron Charles de Beaucorps, parle de "très grans et évidens miracles qui ont été au temps passé, et encores sont faiz, notoirement, de jour en jour, au dit lieu de N.D.des Barres". Reconstruite en 1340, puis en 1624, la chapelle fut détruite, elle aussi, en 1793, et il n'en reste aucun vestige.

Mais aux Barres et à Boigny, on n'a pas tout fait oublié les pèlerinages des siècles passés. Il y eut, au commencement du 19ème siècle, un essai de restauration de ces pélérinages. L'ancien maire de Boigny conte agréablement ce qu'il a entendu dire ce sujet, quand il avait huit ans, il a y plus de 80 ans. L'Annuaire générale du Diocèse d'Orléans pour 1851, fait mention (p. 42) du Pèlerinage de N.O. des Barres, au hameau de ce nom". Aujourd'hui encore, une croix en conserve le souvenir. Devant cette croix, était une petite statue de la Vierge. Cette statue ayant été brisée, par imprudence ou par malveillance, pendant la dernière guerre, d'eux-mêmes, en l'absence de leur curé retenu au front, les habitants des Barres prirent soin de la remplacer et de protéger la nouvelle image par une grille.

M. l'abbé Leluc, curé de Boigny, cru que, en l'année où vient d'être proclamé le patronat de Marie sur la France, il était convenable d'essayer de faire revivre, au moins dans sa paroisse le culte de N.-D. des Barres. Évidemment il ne pouvait pas être question de reconstruire une chapelle aux Barres. Mais il a voulu que, en attendant des temps meilleurs, N.-D. des Barres fut honorée dans son église. Bien inspiré, il a fait faire une reproduction en pierre d'une belle Vierge du XIV' siècle, conservée au musée de Cluny. Même, pour faire agréer à ses paroissiens l'austère statuette, si différente des productions de la statuaire religieuse contemporaine, il leur fit, raconte-t-on, une très intéressante conférence d'histoire et d'art religieux...

Bref, dimanche dernier, après la grand'messe, qui fut chantée par M. l'abbé Viée de Pontlevoy, la nouvelle statue, installée déjà sous un voile mystérieux sur le premier pilier du chœur de la gracieuse chapelle de Boigny, fut découverte et bénite par Mgr d'Allaines. Aux vêpres, l'abbé Fortier, curé de Saint-Marc, prononça une touchante allocution.

Les vêpres furent suivies d'une procession à la croix de l'ancien cimetière, et d'un Salut dont les des chants, comme ceux de la messe et des vêpres, furent exécuter et accompagnés par l'aimable et savante Schola de la Charbonnière et par des artistes venus de Chécy.

Ce fut une belle journée pour les paroissiens de Boigny et pour leur curé.

On était venu, en nombre, surtout le soir, des paroisses voisines.

Beau début, qui permet de bons espoirs pour la restauration du culte, cher à nos aïeux, de N.D. des Barres.