La 1ère synagogue d'Orléans devenue école Saint Bonose
Saint Bonose-Saint Sauveur
Au mois d’août 1887, la pioche des terrassiers mettait à découvert, dans la cour d’un immeuble de la rue Bourgogne, un bénitier roman ; des fragments d’une plate-tombe, où était représenté, au trait, un chevalier d'ordre militaire, et les restes d’un monument funéraire à la manière froide et païenne du XVIIIe siècle. Ces découvertes, rapprochées de celle, qui avait été faite, en 1825, d’une stèle hébraïque, à l’extrémité nord de la rue Parisis, excitèrent notre curiosité, pour connaitre le passé de ce point du vieil Orléans, qui recélait des vestiges aussi disparates qu'antiques. Avec nos annalistes, en effet, nous constations que ceux-ci étaient bien les témoins de chacune des phases, par lesquelles avait passé l'immeuble fouille et aménagé pour une nouvelle destination. Là, le juif, le croisé l'industriel s’étaient succédé pour laisser la place à l’humble Frère des Ecoles chrétiennes.
I - Synagogue d’Orléans jusqu’à la fin du 12e siècle
Les Juifs, bien qu'ils eussent été chassés d’Orléans vers 558, en 1009 et en 1099, y étaient sans cesse revenus, « alléchés, dit notre vieil historien, Le Maire, de la douceur de l‘air Orléanais, trafic et usure. »
De fait, à la fin du 12e siècle, ils formaient une communauté nombreuse, riche et savante, dont nous allons esquisser la physionomie.
Par mesure de sûreté publique, les Juifs étaient, à Orléans, cantonnés au cœur de la ville. Car trop près des murailles, on pouvait craindre, qu’en temps de guerre, ils n’en facilitassent l'entrée à l'ennemi : metuendi essent, dit un vieux chroniqueur. Ainsi la Juiverie était située entre Saint-Pierre-Empont, Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle et Saint-Germain, dans la censive des sires de Cercottes, les Manseau (cf Cartulaire de Saint Pierre Empont).
C’était moins un ghetto ou quartier isolé et fermé, qu’un cantonnement dans un vicus ouvert, où juifs et chrétiens vivaient côte à côte, sans doute afin que ceux-ci pussent mieux surveiller ceux-la. Elle était traversée, au nord, par la grande rue aboutissant à la Porte Bourgogne, et au sud, par la rue dite de la Juiverie (Rue du Poirier); à l’ouest, par la rue de la Roche-aux-Juifs (Rue de la Poterne) ; et à l‘est, par la rue de Saint-Germain-des-Juifs. Là se trouvait tout ce qui était nécessaire au culte Judaïque.
La Synagogue, qui avait remplacé celle que les Orléanais avaient détruite sous Childebert, était placée sur le bord de la grande rue, entre la rue du Battoir-Vert (Rue Parisis), la rue de Semoi et la rue Cacquetoire (Rue du Bœufs Sainte Croix).
Près d‘elle, s‘ouvraient deux écoles, (Elles furent vendues en 1306) une grande et une petite, dans lesquelles les enfants et les jeunes gens recevaient des Rabbins l‘instruction primaire et supérieure.
Les Rabbins, qui desservaient les Synagogues et dirigeaient l'enseignement, appartenaient à la célèbre école des Tosaphisles (commentateurs du Pentateuque et du Talmud) ; et ils se sont fait un nom dans notre Histoire littéraire, notamment Abraham Ben Joseph et Jacob d‘Orléans, qui devait assister à la destruction de la communauté juive, dont il était une des lumières.
Dans la rue de Saint-Germain, était le puits, dont l'eau servait aux ablutions et purifications mosaïques; il a existé jusqu'à nos jours sous son nom d‘origine de puits de la Circoncision (Ce puits a été bouché).
Non loin de là, se trouvaient, sans doute, le pressoir pour le vin rascher et le four aux pains azymes ; la tuerie, où les sacrificateurs tuaient le bétail selon un rit religieux, et l'état de boucherie, où les Juifs s'approvisionnaient, étaient probablement établies rue Vacher, derrière le monastère de Bonne-Nouvelle. Enfin, le cimetière des Juif était, hors des murs, sur le chemin qui allait de Saint-Victor à Saint-Euverte. Il appartenait, au 12e siècle, au Roi, qui percevait une redevance de seize sous parisis, dont dix lui revenaient et les six autres, étaient partagés entre l'abbaye de Saint-Euverte et l'église de Saint-Victor comme droit de paroissage. Près, ou dans le cimetière, était creusé un autre puits, dont l‘eau servait aux laveurs des morts et aux porteur de cercueil, pour se purifier les mains. Le nom de puits des Juifs (la rue voisine se nomme encore rue des Juifs), qu’il a conservé jusqu'à nous, nous permet de préciser l’endroit de ce cimetière supprimé depuis la fin du 14e siècle.
Il eût été intéressant de connaître le nombre des Juifs et leurs occupations. Malheureusement aucun document précis ne nous renseigne sur ce point. Population nomade, essentiellement par le genre de commerce qu'elle exerçait et forcément par les édits de proscriptions, qui, de demi-siècle en demi-siècle, en pourchassaient les membres, elle ne pouvait avoir à Orléans que de rares résidences fixes, qu’on peut évaluer approximativement à une trentaine de feux (la paroisse de St Germain ne comptait au 16e siècle que 90 maisons).
Les Juifs d'Orleans, comme ceux de tout le royaume, vendaient et colportaient les denrées, les étoffes, les parfums de l’Orient : ce qu’on appelait alors la mercerie de soie et dorée.
Leurs Rabbins enseignaient l'hébreux, non seulement à leurs coreligionnaires; mais encore aux clercs. Tout porte à croire qu'un chanoine de Saint-Avit, Jean Salvati, qui professait, au 13e siècle, dans les grandes écoles, les langues hébraïque et chaldéenne, fut un de leurs élèves.
Mais pour leur malheur, les Juifs ne se contentaient pas des profits que pouvait rapporter leur commerce international; ils pratiquaient clandestinement, en grand et au large, l‘usure, que l’Église condamnait si rigoureusement : c’était leur grand crime social. De la pour le pouvoir une raison d'état d'en faire une chose de rapport par de lourds impôts, et une source d’or par la spoliation.
Les Juifs d'Orléans faisaient partie du domaine royal comme un bien fonds. Ils étaient soumis à une taille spéciale, à des droits de censive, de péage, de sceaux et de port de rouelle, et exposés à mille amendes en cas de contraventions, qui étaient pour eux fort nombreux.
Telle était, sur la fin du 12e siècle, la situation de la juiverie d'Orléans, lorsque toute une série d’événements vint décimer la commuté et lui ravir sa synagogue.
Tout d’abord, en 1171 les Juifs d‘Orléans sont accusés d'avoir jeté un enfant dans la Loire. Ce « meurtre ritualiste, que nous rapporte Le Maire, d‘après le P. J. Gautier, jésuite, fut expié par la mort des coupables, qui furent brûlés vifs proche la ville. » Lottin ajoute que le reste de la communauté fut impitoyablement chassé. Ce n’était qu’un commencement. Les fugitifs commençaient à rentrer dans leur quarter, lorsque Philippe-Auguste inaugurait son règne, et promulguait un édit général, par lequel il bannissait les Juifs hors de son royaume, leur donnant seulement le temps de vendre leurs biens, et ordonnait que toutes leurs synagogues fussent converties en églises en l'honneur de Dieu, et sous le vocable de la Très Sainte Vierge. Le tout devait être terminé au mois d'avril 1182. Ce fut alors que la synagogue d‘Orléans devint un temple chrétien et qu‘ils reprirent le chemin de l’exil. Leur célèbre rabbin, Jacob d'Orléans, se réfugiait à Londres, où il trouvait la mort dans une émeute populaire (1190).
Quand ils revinrent à Orléans, vers 1198, ils purent rentrer dans leur quartier ; mais ils durent attendre jusqu’en 1241 pour bâtir une autre synagogue du côté de la rue au Lin. Quant à la chapelle Saint-Sauveur, elle était sortie à tout jamais de la cité des Juifs. Le nom de Juiverie est resté à leur quartier de Saint-Germain même après leur expulsion définitive de 1394. Nous lisons en effet dans la Notice des Bénéfices du diocèse d’Orléans imprimé en 1615 dans les Annales de la Saussaye : « Curatus s. Germani et Judoearia annexa capitulo Aninai Aurel. ».
II - Collégiale et Chapelle de Commanderie jusqu’en 1792
A s’en tenir aux prescriptions de l’ordonnance royale, l'église, formée de l’ancienne synagogue d’Orléans, fut consacrée à la Sainte Vierge. Et cependant, c’est sous le vocable de Saint-Sauveur qu‘elle est connue dans notre histoire. Qu’on nous permette de hasarder une explication, que nos vieux annalistes ont oublié de nous donner.
Au mois d’août de l'année 1183, un prêtre, célébrant la sainte messe dans une église d’0rléans, s’aperçut en prenant la sainte Hostie au Pater, qu'entre ses doigts et sur le corporal, elle distillait des gouttes de sang. Au bruit de ce miracle, tout le peuple de la ville accourut, ainsi que le roi Philippe-Auguste, qui était dans les environs d'Orléans. Ce fut pensons-nous, ce prodige qui engagea les Orléanais à s'associer a l’acte de piété royale, en fondant, dans la nouvelle église, une collégiale sous le vocable de Saint-Sauveur. Ils créèrent donc des prébendes à perpétuité, afin que, « jour et nuit, des chanoines ayant à leur tête un doyen on chantre, célébrassent, dans le nouveau sanctuaire, l’office pour le roi, pour tout le peuple et pour la prospérité du royaume ». Philippe-Auguste sollicite aussitôt du Pape Célestin III l'approbation canonique de tous ces changements ; celui-ci par une bulle, donnée à Latran en date du l4 mai 1193 et adressée « au Doyen et aux Chanoines de Saint-Sauveur », après avoir félicité le roi « d'avoir déjoué la perfidie des Juifs », confirmait de son autorité apostolique la conversion de la synagogue en église, et la fondation dans cette église, d’un Chapitre.
Le siècle, qui l’avait vue naître, ne s’achevait pas que la collégiale, fondée cependant ad perpetuam, était condamnée à n’être plus que le bénéfice simple d’une Commanderie. En effet, par une charte datée de Sully (de 1199 à 1200) et souscrite par Hugues, évêque d’Orléans, Phillipe-Auguste en disposait en faveur des frères hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Toutefois, ceux-ci ne devaient entrer on possession de la chapelle qu’à la mort du Doyen, à moins que, de son vivant, il ne consentit à la céder immédiatement. Le Maire ajoute que l’acte contenait encore cette clause que les hospitaliers « ne seraient tenus faire aucune fonction de curé».
La chapelle de Saint-Sauveur constitua, dès lors, le siège d'une préceptorerie (grade supérieur à la Commanderie) de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, et la résidence d’un certain nombre de chevaliers, surtout quand ils durent abandonner la Palestine (1310). Aucun nom de précepteur, ni de chevalier, ne nous a été conservé il est vrai, mais des fragments de la plate tombe, récemment mise à jour, on doit conclure que plusieurs d'entre eux y furent inhumés.
Cette chapelle et son enclave jouirent d’une juridiction spéciale, qualifiée de justice de Saint-Sauveur. Mais, lorsque les chevaliers de Saint Jean eurent hérité de la Commanderie de Saint Marc, devenue vacante par l’abolition de l’ordre des Templiers, ses premiers possesseurs et par la confiscation de tous leurs biens (1312), la Préceptorerie de Saint Sauveur fut unie à la Commanderie de Saint Marc et la justice augmentée d’autant fut désignée indifféremment sous leurs noms, du moins jusqu’au commencement du 17e siècle. En effet, La Saussaye nous dit que la cure de Saint-Marc était à la disposition du précepteur de Saint Sauveur ; mais les pouillés postérieurs ne parlent plus que du Commandeur de Saint Marc. Cette justice, dont relevaient Saint Sauveur et ses dépendances, avait son prétoire à la Commanderie de Saint Marc ; et pour officiers, un bailli qui devait être avocat ; un procureur fiscal, et un greffier choisi parmi les procureurs du Châtelet : elle était du ressort de la Prévoté d’Orléans.
Du 14e au 16e siècle, la chapelle Saint Sauveur n’a plus d’histoire. Ses maîtres ont seulement changé de noms : ils sont devenus les chevaliers de Rhodes puis chevaliers de Malte. Avec ceux-ci, elle sort un instant de l'ombre, lors des guerres de Religion. Épargnée en 1561 pars les Huguenots, elle leur servait de temple en 1565 ; après les troubles, elle reprenait sa destination de sanctuaire catholique.
L'auteur d‘une relation de l’entrée do Mgr d’Armenonville (1707) dit que l'évêque, arrivant devant la Commanderie de Saint-Marc, c'est-à-dira en face de la chapelle de Saint-Sauveur, y trouvait un héraut de la part du grand-maître de Malte, d’où dépendait celte Commanderie, qui le priait de se souvenir qu'il était sur les terres de la religion. « L’auteur, ajoute judicieusement Polluche, serait peut-être bien embarrassé s’il lui fallait dire où il a trouvé cela. » Cette remarque nous apprend au moins que cet usage, s’il n’a jamais existé, n’était plus en vigueur en 1754.
Nous avons vu que la chapelle de Saint-Sauveur n’étant qu’un bénéfice simple, c’est-à-dire n’impliquant pas charge d’âmes, son titulaire ne pouvait, par lui-même ou par d'autres, y exercer de fonction curiale dans l’étendue de sa juridiction.
Au point de vue paroissial, elle présentait cette anomalie; elle dépendait de la paroisse de Bonne-Nouvelle, dont le titre curial était attaché à la chapelle de la Madeleine, dite Saint Sauveur (en 1709, ce titre paroissial fut annexé à la collégiale de Saint Pierre Empont); tandis que la Juiverie relevait de la paroisse de Saint-Germain, annexée au chapitre de Saint-Aignan; d’où son nom de Saint-Germain-des-Juifs pour la distinguer de Saint-Germain-des-Fossés, sis près des Jacobins. La paroisse de Saint-Germain ayant été supprimée en 1758, l’ancien quartier des Juifs revint également à la paroisse de Saint-Pierre-Empont.
Le Calendrier spirituel de 1731 nous apprend que la chapelle Saint-Sauveur était le centre de la dévotion orléanaise envers l’Enfant Jésus, et qu’à partir du25 décembre jusqu’au 2 février, les dimanches et les fêtes, les fidèles y venaient honorer la Sainte-Enfance. Le même livre nous dit encore qu‘elle était le siège de la confrérie des maîtres taillandiers.
La taillanderie d’Orléans avait un certain renom dans la province ; aussi occupait-elle bon nombre d’ouvriers de cet état. A ces artisans s’étaient joints, pour constituer une corporation, les faiseurs d‘œuvres blanches, ceux que nous appelons maintenant les ferblantiers; et tous ensemble ils formaient une confrérie, reconnaissant, comme tous les ouvriers en métaux, saint Eloi pour leur patron. Par une transaction passée, le 30 mai 1757, avec le commandeur de Saint-Marc, ils s'étaient ménagé la jouissance de la chapelle de Saint-Sauveur, pour y solenniser leurs deux fêtes patronales : le 1er décembre, jour de la fête de saint Eloi; et le 25 juin, anniversaire de la translation de ses reliques; et pour y faire célébrer les services de Requiem. Ils y avaient un coffre où étaient déposés les ornements pour cette double destination. Mais, en échange de cet usufruit, les confrères s'étaient chargés de faire dans la chapelle les réparations nécessaires à son bon entretien.
Il faut ajouter que cette confrérie n'était pas canoniquement érigée, mais seulement tolérée.
La chapelle était desservie par un chapelain, qui était chargé d'acquitter les obits, les services de fondations et de ladite confrérie. Par le fragment de l'inscription tumulaire, dont nous avons parlé en commençant cette notice, il est avéré que plusieurs familles bourgeoises avaient choisi la chapelle comme lieu de leur sépulture, et cela jusqu’au jour où les inhumations dans les églises furent interdite par l’autorité diocésaine.
Enfin, la Révolution ayant confisqué tous les biens de la Commanderie de Saint-Marc, la chapelle Saint-Sauveur était, le 10 avril 1791 sur la mise à prix de 14,200 livres, vendue 31,000 livres (l), et recevait une destination séculière qu’elle aurait encore sans une autre mesure révolutionnaire, qui forçait les catholiques à la racheter.
III - Ecole des frères de la doctrine chrétienne
Ce qui fait un peuple fort, généreux et brave; et partant vraiment patriote, c'est l’éducation religieuse donnée à tous, parce que, en même temps qu'elle développe l'intelligence, elle élève l'âme. De tout temps, l'Eglise a eu cette mission : ite docete omnes; et elle l'a toujours remplie ; pauperes évangelisetur, par ses évêques et ses prêtres.
A Orléans, pendant que les grandes écoles, puis l'université de lois, distribuaient l‘enseignement supérieur, les écoles presbytérales, au moyen âge, et les écoles de charité, XVIIe siècle, propageaient. Parmi le peuple, l'instruction primaire, basée sur la doctrine chrétienne.
Pour entretenir ces dernières, l'argent ne faisait point défaut; les maîtres seuls manquaient. Les susciter et les former fut l'œuvre du Bienheureux de la Salle; et il ne nous déplaît pas de relever, parmi ses premiers disciples, un orléanais, Cl. François Lancelot du Lac de Montisambert, qui, d‘officier de cavalerie, se fit Frère de la doctrine chrétienne sous le nom de frère Irénée, et fut maître des novices pendant 3 ans. Cette pieuse collaboration mérite sans doute à Orléans de posséder, dès i740, vingt et un ans après la mort de leur saint fondateur, une école dirigée par les Frères.
C‘est de cette première école. située rue de Saint-Euverte, que devait sortir, un siècle plus tard, l'école de Saint-Bonose. Fermée, malgré les vœux du peuple, en 1793, elle fut rouverte, en 1806, le 1er novembre, sous le directorat du frère Libaire, mieux connu alors, sous le nom de Frère Cendre; et se maintenait dans ce quartier jusqu’à n’en l837. A cette époque, elle tut transférée dans un immeuble de la rue du Bourdon-Blanc, et changea son nom de Saint-Euverte en celui de Saint Bonose, quand la chapelle de la nouvelle école eut été enrichie du corps de ce saint martyr.
L'enseignement religieux avait mis plus d‘un demi-siècle à reconquérir, dans notre ville, ses positions d‘avant 1789 : c'était trop pour la franc-maçonnerie. En novembre 1877, elle avait mis à l'ordre du jour, dans les loges de Paris, la laïcisation de l‘instruction à tous les degrés et dans router les écoles. Le plan de campagne arrêté, elle avait chargé la ligue de l'enseignement d’agiter l’opinion, en même temps qu'elle l'imposait à nos gouvernants ; et bientôt, sûre de la complicité du pouvoir, elle ordonnait aux Loges de province de pousser les municipalités à laïciser toutes leurs écoles communales.
Créée par une municipalité bienveillante, soutenue par vingt municipalités reconnaissantes. La maison de Saint-Euverte, après cinquante ans de bons et loyaux services, ne trouvait pas grâce devant une autre. Pourquoi ? Le voici sans détour.
A Orléans, ce fut l'affaire de deux campagnes : la première fut menée par le frère Rachet, ancien élève des Frères, de le L. les Emules de Montyon ; et, de l882 a l884, huit écoles communales congréganistes furent supprimées. La seconde eut pour leader l'or de la Véritable Amitié, le f. Fernand Rabier, adjoint ; et, le 8 juillet 1887, les six écoles congréganistes communales, qui restaient, étaient biffées d'un seul trait, par un même vote parmi lesquelles l‘école des garçons de Saint-Bonose.
Aussitôt, le Comité des Ecoles libres adressait un chaleureux et éloquent appel à la population orléanaise, pour ouvrir une souscription qui lui permit de maintenir dans ces écoles devenues libres l'enseignement religieux. Mgr l'Evêque d'Orléans n'hésitait pas le 29juillet, a appuyer de sa haute autorité le pressant appel du Comité, « pour ouvrir partout et à tout prix des écoles chrétiennes » dans sa ville épiscopale.
« C‘est l’heure de tout donner, s'écriait Se Grandeur, et de se donner soi-même. »
On a osé écrire que le vote de la laïcisation de nos écoles communales serait, devant la postérité, pour le conseil municipal, la page la plus glorieuse de son histoire. Nous en doutons; nous croyons, au contraire, que lorsque ces faits, sortis de la pénombre de la chronique, entreront dans la pleine lumière de l'histoire, la postérité trouvera plus de gloire du côté des victimes que du côté des persécuteurs. Elle stigmatisera les uns, sectaires ou trembleurs, et elle louera les autres : ceux qui, en séance ont lutté pour épargner au Conseil la honte d’une mesure inique ; et ceux qui ont répondu si généreusement « de leurs pièces d’or ou de leur obole », à l’appel du Comité des écoles libres.
Escomptant la générosité des catholiques d'OrIéans, le Comité s’était, de suite, mis à l’œuvre pour offrir de nouveaux locaux aux écoles congréganistes fermées. Pour remplacer celle de Saint-Bonose, il acquérait l‘immeuble de Saint-Sauveur. Par une coïncidence remarquable, l'ancien sanctuaire de la Sainte-Enfance de Jésus, après avoir été successivement imprimerie, pensionnat, salle de noces et festins, lithographie, allait devenir une école de l’enfance chrétienne. Ainsi ce qui était sorti par le vol du domaine de l‘Église y rentrait par un acte de charité tout orléanaise envers l'âme des enfants.
Le 14 septembre 1887, le jour de l'Exaltation de la Sainte-Croix, les Frères de Saint-Bonose recevaient leur congé de la municipalité par une lettre adressée par M. le Maire au Frère Directeur des écoles chrétiennes.
En conséquence les bons Frères continuaient leur exode. Après une dernière messe, dite dans la chapelle de Saint-Bonose, le 18 septembre, par M. l'abbé O. Rivet, chanoine honoraire, qui adressa à son auditoire ému par la circonstance quelques paroles touchantes, ils disaient adieu à leur chère Maison le 2 septembre ; et, sous la conduite du Frère Blimond, leur Directeur, ils prenaient possession du nouvel établissement, aménagé en toute hâte.
Pour leur témoigner l'estime qu’il professe pour leur Institut, Mgr Coullié voulut lui-même, assisté de M. l’abbé Hautin, vicaire général, et de M. le Doyen du Chapitre, M. de la Taille, bénir la nouvelle Maison ; c'était le 21 septembre ; et, le 3 octobre suivant, s'ouvraient les nouvelles classes pour les enfants de Sainte-Croix, de Saint-Aignan, de Saint-Pierre-le-Puellier et de Saint-Donatien. Ce ne fut toutefois que le 22 octobre que Notre Seigneur prit possession de la nouvelle chapelle, créée dans une partie du bâtiment de l'ancienne chapelle de Saint Sauveur; celle-ci fut bénite par M. l’abbé Hautin, Archidiacre d'Orleans. Dès lors, l'école libre de Saint-Bonose-Saint-Sauveur devenait de plein exercice et distribuait l'instruction religieuse à près de trois cents garçons.
Que le Bienheureux Jean-Baptiste de la Salle protège les maîtres, les élèves et les fidèles qui, par leurs libéralités, ont facilité la création des nouveaux groupes scolaires catholiques!
En donnant à cette étude le litre de Saint Bonose-Saint Sauveur, nous n'avons pas en pour but seulement d‘établir un rapprochement purement historique, mais encore de nous permettre, en l'achevant, d'émettre ce vœu que la nouvelle école de la rue Bourgogne, qui succède à une chapelle, construite sur les ruines d'une synagogue et premier sanctuaire où fut honorée la Sainte Enfance, conserve ce double vocable. Il lui rappellera sa mission au milieu d'une autre juiverie : d’être la Providence des familles chrétiennes pour l’instruction, l'éducation religieuse et le salut de leurs enfants.
Un ancien élève des Frères.
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Les lieux de Culte à Orléans de l’Antiquité au 20e siècle - Louis Gaillard et Jacques Debal
L’ancienne “ Juiverie ” d’Orléans, ses synagogues
Une communauté juive (judaearia) très importante existait à Orléans au VIe siècle. Grégoire de Tours raconte qu’il se trouvait lui-même à Orléans lorsque le 4 juillet 585 le roi Gontran fit son entrée solennelle en notre ville et que ce jour-là les Juifs de la cité, s’unissant à une foule nombreuse dans laquelle se trouvaient des Syriens, allèrent l’acclamer et aussi lui signaler que leur synagogue avait été depuis longtemps détruite par les chrétiens. Peu après ils en édifièrent une nouvelle dans le quartier où ils résidaient alors ; selon Le Maire, la première juiverie aurait été installée « en la place des Halles, sans doute près le prieuré de Saint-Hilaire », c’est-à-dire dans le quartier du Châtelet.
Ce fut plus tard, probablement dans la seconde moitié du Xe siècle, que la communauté israélite se fixa dans le quartier qui, au Moyen Age, portait le nom de grande, puis de petite juiverie ; elle s’y trouvait certainement à l’époque des premiers Capétiens. La “ grande “juiverie ” d’Orleans était approximativement limitée au nord par la rue de Bourgogne, au sud par celle de la Charpenterie, à l’est par la rue de l’Université et à l’ouest par la rue de l’Empereur; plus tard, la « petite juiverie » située sur le même emplacement, sera limitée à l’est par la rue Saint-Germain.
Noter qu’une rue centrale de ce quartier, la rue du Poirier, portait encore au XVIe siècle, dans sa partie orientale, le nom de rue de la Juiverie. La synagogue se trouvait rue de Bourgogne aux numéros 218-220, emplacement occupé plus tard par l’église Saint-Sauveur, puis par l’école Saint-Bonose, et, de nos jours, par un magasin. Dans la juiverie d’Orléans existaient la grande et la petite école, les études et, rue Saint-Germain, un puits appelé encore au XIX° siècle le puits de la circoncision.
Quant au cimetière juif, il était situé à l’extérieur et à l’orient de la ville, limité au sud par la rue des Ormes-Saint-Victor (qui s’appelait dans ce secteur : rue des Juifs), au nord par la rue Desfriches, à l’est par la rue du Petit-Saint-Loup et à l’ouest par celle des Raquettes.
Cependant la communauté israélite d’Orléans, comme toutes celles de France, ne connut guère de stabilité. Par ordonnance de Philippe-Auguste du 2 avril 1183 les juifs furent expulsés du territoire français et leurs synagogues converties en temples chrétiens ; sur l’emplacement de celle d’Orléans on édifia l’église Saint-Sauveur dont le gros œuvre subsiste encore de nos jours. Saint Louis, en 1255, les autorisa à revenir et leur fit rendre leurs anciennes synagogues ; pourtant, à Orléans, il ne semble pas qu’à ce moment l’église Saint-Sauveur ait changé de destination ; selon toute probabilité ils durent alors installer une nouvelle synagogue dans une maison particulière de la juiverie.
Exilés de nouveau sous Philippe le Bel en juin 1306, ils réapparaissent au cours du XIV‘ siècle, mais sont expulsés définitivement sous Charles VI, en 1394, décision confirmée en 1410. « Ce fut alors que les Juifs de France émigrèrent sans esprit de retour » (T. Cochard) ; et ici, l’historien de l’ancienne communauté juive d’Orléans précise : « Jusqu’ici aucun acte positif n’est venu nous renseigner sur la date précise qu’il faudrait assigner au départ définitif de nos Juifs. »
L’ancien cimetière juif devint par la suite un verger. Le 20 janvier 1888, on faisait la découverte dans l’ancienne chapelle Saint-Louis du Chatelet d’une stèle hébraïque provenant de cet ancien cimetière. D’autre part, en 1660, près de l’église de la Chapelle-Vieille des Aydes (commune de Saran), en bordure de l’ancienne route de Chartres, on découvrit pareillement une tombe de pierre, israélite, contenant un squelette et une médaille de cuivre couverte de caractères hébraïques.
La Synagogue d’Orléans (19e et 20e siècle)
Du début du 15e siècle jusqu’à la Révolution, le peuple juif n’eut pas en France droit de cité. Ce ne fut qu’à la suite de décrets édictés sous la motion de l’abbé Grégoire (1789-1791) que les Israélites purent circuler librement sur tout le territoire français. Il s’en trouva Orléans ; mais jusqu’à la fin de la première moitié du 19e siècle, aucun historien, aucun document ne mentionne, à Orléans l’existence d’une synagogue (disons d’un modeste local servant de temple, installé dans une maison particulière).
Vergnaud-Romagnesi dans le Dictionnaire…. Du Département du Loiret (section Annuaire ecclésiastique) note, sans date, mais certainement bien après 1850 : « Culte israélite, synagogue, rue du Bourdon-Blanc ».
Ce sont les Annuaires du Département du Loiret qui, méthodiquement, dès l’année 1859 vont nous renseigner : 1859-1862 : « Synagogue, 2, rue Guillaume » ; 1863-1866 : « Synagogue, 26, rue de la Charpenterie ».
Dès l’année 1867, la synagogue est signalée « rue des Bons-Enfants près de la Halle au blé ».
Elle était installée’ « dans une des travées de la galerie nord de l’ancien grand cimetière ». Par la suite, dès 1913, cette entrée se trouvait à l’intérieur du « Campo Santo », ornementée de la table de la Loi ; les Annuaires le signale : « La synagogue est située dans l’enceinte du grand cimetière, près la salle des fêtes, autrefois Halle Saint-Louis, dite Halle au blé ». Elle subsistera en ce lieu jusqu’en 1970. A ce moment des travaux étant envisagés pour un réaménagement du « Campo Santo » ; avec l’accord de l’évêque d’Orléans, Mgr Guy-Marie Riobé, l’ancienne chapelle de l’Evêché (dite « de l’Officialité ») située au nord-est du chevet de Sainte-Croix sera érigée en synagogue du « Centre communautaire Georges Levy » et inaugurée en 1971.
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