Charte municipale de la fête du 8 mai
CHARTE MUNICIPALE
de l'Etablissement de la Fête du 8 Mai
Si vous parcourez les vieux Comptes parcheminés des procureurs et échevins d’Orléans, constamment vous lirez, à la date du 8 mai cette invariable rubrique : Fête de la Ville... « pour révérence de la levacion du siège ».
En effet, la solennité de l'anniversaire de la Délivrance d'Orléans en 142 par Jehanne la Pucelle, est de fondation municipale. C’est un acte de reconnaissance, l'action de grâces, comme jadis il se disait.
Voila ce que, avec les données de notre histoire, nous nous proposerons de rappeler. « Les bonnes gens d'Orléans » avaient été si aises d'être « désassiégés » qu'ils ne voulurent pas attendre le premier anniversaire de leur providentielle Délivrance, pour réitérer leur publique action de grâces du 8 mai 1429.
Comme le 12 octobre 1429 les remettait « en mémoire du jour que les Anglais mirent le siège devant Orléans », le Corps de Ville, sur la demande des habitants, arrêtait que ce jour serait fête chômée par tous. Pour donner plus de solennité à la cérémonie, les procureurs avaient invité l'évêque, Jean de Saint-Michel, et le conseiller du roi, Jean le Maçon, seigneur de Trèves, en Anjou, qui, alors, résidaient à Jargeau, auprès du roi. Ces deux personnages n'y manquèrent pas.
Comme on le pense bien, au premier anniversaire de la « levacion du siège », tout Orléans, corps de ville, clergé et habitants, gens d'armes et miliciens, se firent un devoir de participer à cette solennité. Mais, chose remarquable ! Ce ne fut pas le 8 mai, mais le 7 mai 1430, que nos pères le célébrèrent avec enthousiasme, parce que c'était le 7 mai qu'avait eu lieu la prise des Tourelles, qui avait déterminé les Anglais à lever le siège. Aussi, au début, dénommèrent-ils parfois « Fête des Tourelles », leur fête du 8 mai.
Tout cela, spontané, pouvait cesser avec l'élan d'un premier mouvement de lassitude. Mais à quelle époque, et sous quelle forme, nos pères, témoins actifs du siège, prirent-ils une décision commune, qui devait engager, ad perpetuum, leurs descendants, usufruitiers du profit, seulement, de leur défense héroïque.
Sur le premier point, la disparition des comptes de ville (de 14311 à 1435) ne permet pas d'authentifier cette date : néanmoins, de certaines données, on peut la déduire avec une certaine précision. Quant au second point, la Chronique de l'établissement de le fête du 8 mai, bien que composée dans la seconde moitié du XVe siècle, nous renseigne suffisamment.
Orléans, en 1431, était encore sous l'impression patriotique de la fête du 8 moi, quand ses habitants apprirent, avec une douloureuse stupeur, la nouvelle de la mort de « Jehanne la Pucelle », leur libératrice, brûlée vive sur le carreau du Vieux-Marché de Rouen. Ce lugubre événement ne les surprit pas, car ils savaient que le léopard n'abandonne sa proie que lorsque, en ayant broyé les os il s'est repu de son sang. Mais, ils en furent navrés, car Johanne mourait pour eux, qu'elle avait « désassiégés ». C'était, pour l’anglais, un crime irrémissible. Aussi. Sollicitèrent-ils une assemblée de ville pour payer d'abord à son âme un religieux tribut de prières, et ensuite à sa mémoire un perpétuel hommage de reconnaissance patriotique.
Qu'il y ait eu assemblée de ville, il ne faut pas en douter, car il s'agissait d'une double fondation, engageant les finances municipales.
Le procès-verbal de celle réunion a disparu sans doute, avec le « Livre Rouge », où le corps de ville inscrivait ses grands actes. Mais il est facile de déduire cette Assemblée de la « Chronique du 8 mai », et d'actes officiels de la Chancellerie diocésaine.
La « Chronique de l'établissement de la fête du 8 mai » nous fournit un passage très explicite sur la tenue d'une assemblée communale : nous le citons plus loin.
Plusieurs actes ecclésiastiques du XVe siècle aussi font clairement allusion à une délibération commune, qui n'a pu être prise que dans une assemblée de ville.
Dans un bref du cardinal d'Estouteville (1452), et dans une lettre de Thibault d'Aussigny, évêque d'Orléans (1453), on lit que, après une entente entre tout le clergé et le peuple de la cité, consentiente toto Clero, et populo civitatis, les bourgeois et les habitants d'Orléans arrêtèrent qu'on solenniserait le 8 mai.
Dans un mandement de Christophe de Brilhac, évêque d'Orléans (1474) il est écrit : « Qu'il fut ordonné par le clergé et par le peuple, et décrété par une ordonnance, a clero et populo ordinatum et per statutum decretum, que le jour de la délivrance, le 8 mai, serait désormais et à perpétuité fêté: amodo in perpetuum… somniter feriari… »
Dons, dans le courant de juin 1431, une assemblée de ville eut lieu sous les halles, sises entre le Châtelet et l'église Saint-Hilaire.
Les membres du clergé, les bourgeois, les marchands, manants et habitants d'Orléans, convoqués à son de trompe dans tous les carrefours, s'empressèrent de s'y rendre.
Les procureurs et les gens d'église, qui, cette année, composaient le corps de ville ou charge, étaient tous présents :
Jehan de LOYNES Perrinet HUE
Gautier SIMON Jehan AUBELIN
Cosme de COSMY Guillaume ACARIE
Jehan L’HUILLIER Guillaume le CHARRON
Pierre HATTE Mess. Jehan PARINE, archidiacre de Beaugency
Jehan de TROYES Mess. Jehan de THOURY, chanoine St Pierre Empont
Perrinet LEFEVRE Mess. Estienne COURTIN, prieur St Samson
Colin MAHY
C'était à eux de diriger la délibération, présidée, do droit, par le bailli ou son lieutenant (Hervé Laurent).
Après que l'un des procureurs eut exposé ce sur quoi les assistants avaient à se prononcer : la double fondation d'un service pour le repos de l'âme de « feue Jehanne la Pucelle », et de la célébration de l'anniversaire de la « Levacion du siège », chaque corps fut appelé à donner son avis et son vote.
La discussion fut courte ; car tous les délibérants étaient d'accord pour s'acquitter d’une dette sacrée.
Il ne s'agissait plus, la fondation agréée et minutée par un notaire royal, que de déterminer le double cérémonial et d'endosser les frais, qui, de ce, incomberaient à la communauté des habitants.
Dans le procès-verbal, libellé séance tenante, il fut donc arrêté :
1°) Qu'un « service serait célébré, chaque année, la veille ou la surveille de la Fête-Dieu, pour le repos de l'âme de feue Jeanne la Pucelle, en l'église de Saint-Samson »
2°) Que le 8 mai, chaque année, il y aurait procession générale d'actions de grâces ; et que, le lendemain 9 mai, un service de Requiem pour les trépassés du siège serait chanté dans l'église collégiale de Saint Aignan
3°) Que la ville prendrait à sa charge tous les frais de cette triple cérémonie, à laquelle le corps de ville, représenté par les procureurs et le maire assisteraient.
Cette décision, pour avoir force de loi, devait être approuvée par le pouvoir épiscopal et par l'autorité ducale. Elle fut donc soumise à Mgr Jean de Saint-Michel et au Bâtard d'Orléans, frère de Mgr le duc d'Orléans, alors prisonnier en Angleterre. Tous deux, l'un par mandement, l'autre par ordonnance, ayant ratifié rétablissement de la fête du 8 mal décrétée par l’assemblée de la ville, la délibération fut enregistrée dans le « Livre rouge », ad perpetuam rei memoriam.
Nous aurions voulu citer la teneur même du procès-verbal relatant « l'établissement de la fête du 8 mai » Mais le « Livre rouge » municipal, où il était enregistré, n'existe plus. Peut-être la minute même du procès-verbal se trouve-t-elle dans les archives d'un de nos notaires, successeur d'un notaire de ville ? Celui-ci l’ignore se souciant plus du présent que du passé.
Néanmoins, nous pensons que le texte regretté peut se restituer, à l'aide de la « Chronique de la fête du 8 mai » car son auteur, ayant sous les yeux le texte original, lui a certainement emprunté les termes dont il se sert.
« Ce voyant, Mgr l'évêque d'Orléans avec tout le clergé, et aussi par le moyen et l'ordonnance de Mgr de Dunois, frère de Mgr le duc d'Orléans, avec le conseil d’iceluy et aussi les bourgeois, manants et habitants d'Orléans,
« Fut ordonné estre faite une procession, le huitiesme dudit may et que chacun y portast une lumière et que on irait jusques aux Augustins*: et partout où avoient este le estour, on y feroit stations et service propice en chacun lieu et oraisons ; et les douze procureurs de la ville auraient chacun ung cierge en leur main, où seroient les armes de la ville, et qu'il en demourrait quatre à Sainte-Croix, quatre à Saint-Euverte et quatre à Saint-Aignan ;
« Et aussi que, le dit jour, seroient dictes vigiles audit Saint Aignan, et le lendemain, messe pour les trépassés ; et là seroit offert pain et vin, et chacun procureur huit deniers parisis »
Ainsi, il est certain que la fêle du 8 mai est de fondation municipale ; que, dès son début, elle fut une fête civile et religieuse.
Dans un prochain article, nous constaterons que, de 1430 à nos jours, elle a conservé ce caractère mixte qui est le sceau de son origine et le témoignage de la fidélité des descendants des défenseurs d’Orléans en 1429 au pacte patriotique de leurs ancêtres
*La Chronique ajoute « des augustins on revient autour de la ville, c’est assavoir par devant l’église Notre-Dame de Saint-Paul, et là fait un grande louange à Notre-Dame, et de là à Sainte-Croix et le sermon la et la messe après. »
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