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La Saint Martin à Gien, Fête des ouvriers de la faïencerie


In Annales Religieuses et Littéraires de la Ville et du Diocèse d'Orléans - 1882



Le samedi 11 novembre 1882, la ville de Gien, d'ordinaire si calme, présente une animation inaccoutumée ; dès l'aube, le canon retentit, clairons sonnent, les cloches lancent à toutes volées leurs plus joyeux carillons ; c'est la fête de saint Martin, le thaumaturge des Gaules, la société des ouvriers faïenciers de Gien a choisi, de temps immémorial, pour son patron.

Ce sera l'honneur de la société de Saint-Martin d'avoir tenu à continuer l'heureuse innovation d'une fête religieuse intronisée ces dernières années aux applaudissements de tous, grâce à l'initiative des chefs respectés et aimés. La fête de saint Martin célébrée à l’Église, dans conditions de pompe et d'éclat hors ligne, à une époque où nos anciennes corporations religieuses tendent à se laïciser de plus en plus.

Aussi, est-ce sous ce point de vue qu'après avoir assisté, avec bonheur, à cette belle manifestation religieuse, nous avons pensé faire une bonne œuvre en voyant un compte-rendu succinct aux Annales.

La décoration de l'église du château est magnifique : l'intérieur disparaît sous les guirlandes et les fleurs. Bois, bosquets, jardins, on a tout dépouillé : le garde-meuble de la faïencerie s'est transporté dans le sanctuaire, sur les gradins de l'autel, les crédences, le banc d'oeuvre. Ce ne sont partout que pièces rares, vases de prix, vasques et potiches de tout genre et de toutes dimensions. Un véritable éblouissement vous saisit sur le seuil de la vaste église. On a devant soi le résultat de plus de quinze jours de travail, d'un travail d'ouvriers, disons le vrai mot, d'artistes, c'est le cri général, qui se sont surpassés eux-mêmes. Aujourd'hui et les jours suivants, l'église ne désemplit pas en dehors des offices, et la foule fait littéralement queue pour contempler une ornementation réussie au delà de toute expression.

En entrant, nous nous inclinons sous la main bénissante de saint Martin qu'un artiste de talent, M. Clair Guyot, peintre de la faïencerie, a eu l'heureuse inspiration de placer au haut de la coupole dont il fait le plus merveilleux couronnement. Elle est véritablement belle cette vénérable figure d'évêque qu'une ingénieuse disposition de lumières contribue à faire si brillamment ressortir. Les véritables amateurs s'arrêtent longuement et avec un plaisir non dissimulé devant quatre toiles dont voici les différents sujets :

  • Saint Luc, le patron de peintres

  • Saint Antoine de Padoue, regardé, nous a-t-on dit, dans le midi de la France, comme le patron d'associations ouvrières semblables à celle de Gien,

  • le très légendaire de Saint Martin donnant la moitié de son manteau à un pauvre, au portes d'Amiens

  • la vision de Jésus-Christ apparaissant la nuit suivante à saint Martin dans le costume et les circonstances que chacun sait.

Ces panneaux sont l’œuvre d'ouvriers de la faïencerie dont nous regrettons sincèrement de ne pas connaître les noms. Nous savons toutefois que le dernier : la vision de Jésus-Christ à Saint Martin, est dû au pinceau d'une dame qui, elle non plus, n'y est point étrangère, et dont le talent artistique n'est surpassé que par son inépuisable charité envers les pauvres.

Le canon tonne de nouveau, les cloches s'ébranlent et remplissent l'air de leurs harmonieuses vibrations. C'est le signal de la messe solennelle. Le ciel triste et pluvieux pendant toute la matinée se rassérène, le temps est vraiment magnifique, le soleil, comme pour répondre à un défi de mauvais augure, réapparaît splendide, c'est bien l'été de la Saint Martin qui, la remarque en a été faite, ne durera, du reste, qu'un jour pour la fête.

Le cortège, musique en tête, bannière déployée, fait son entrée dans l'église, devenue trop petite pour contenir la foule empressée. Au banc d'honneur prennent place MM. Gondouin et Bapterosses, directeur administrateur de la faïencerie. combien nous aimons à voir ainsi rapprochés et unis aux pieds des autels les chefs honorables des deux plus importantes manufactures de nos contrées, et comme ce bel exemple de la prière en commun les grandit aux yeux de tous leurs ouvriers. L'union entre Gien et Briare, n'est-ce pas pour la faire ressortir et mieux la cimenter encore qu'on a eu l'ingénieuse idée de rapprocher les armes des deux villes voisines et amies ? Non moins heureuse et non moins délicate la pensée qui, à côté des armes de Léon XIII et de l’Évêque d'Orléans, a placé l'écusson de l'église de Nantes, rappelant à une noble bretonne devenue giennoise, sa patrie d'origine.

Cependant, M. l'abbé Robichon, curé-doyen de Gien est à l'autel. La messe commence, elle est entièrement chantée en musique, le gramme religieux signé Bournat, n'est pas moins habilement executé qu'admirablement choisi. Il suffit do dire que M. Herman dirige fanfare dont il est le chef, que Mme Clair Guyot tient l'orgue, que mari, non moins bon musicien que peintre distingué, l'accompagne sur son violon, qu'enfin M. Bournat chante les soli. On comprend qu'a dû être une messe en musique dans de telles conditions et avec pareils éléments.

Passant sous silence, à notre grand regret, d'autres détails qui nous entraineraient trop loin, nous ne pouvons taire ce fait de deux morceaux qui ont produit une véritable sensation : à l'offertoire, le Credo d'Herculanum de Félicien David, chanté par M. Bournat ; à la communion, le prélude de Bach, mieux connu sous le nom de l'Ave Maria de Gounod, morceau d'orgue avec accompagnement de violon par M. Guyot.

Le cortège, l'office religieux terminé, reprend le chemin de la faïencerie, dans le même ordre d'arrivée, et se réunit dans la cour d'honneur qu'aura lieu la cérémonie traditionnelle de la réception

Toutefois, il a quelque chose qui nous a fait infiniment plus plaisir. Oui, quelque chose qui a ému et touché la foule plus encore que la belle musique des grands maîtres d'ailleurs, admirablement interprétée; c'est tout simplement le roulement traditionnel des tambours battant aux champs au moment de l'élévation, et rendant salut militaire au Dieu de l'Eucharistie. Nous ne connaissons rien plus saisissant et de plus majestueux que ces mâles accords du tambour et du clairon, pour inviter les fronts à s'incliner devant Notre Seigneur Jésus-Christ paraissant sur l'autel. Nous regrettons hélas de ne plus les entendre comme autrefois, et ne pouvons que remercier, de toute notre âme, ceux qui se sont souvenu et on fait revivre cet antique et religieux usage.

La charité chrétienne ne pouvait rester seule muette au milieu de ce concert universel, de cet élan général, il eut manqué comme un fleuron à la couronne de saint Martin, si son éloge, dominant pour ainsi dire celte scène grandiose, ne se fut fait entendre pour en donner la véritable signification, en faire ressortir le haut enseignement. Chargé de cet insigne mais difficile honneur, M. l'abbé Mas, vicaire de Gien, sut se montrer constamment à la hauteur de son sujet et de son magnifique auditoire. Présentant, dans une rapide et intéressante esquisse, la vie bien connue de saint Martin dans le monde et dans l'épiscopat; il sut, avec un talent exquis et très apprécier tirer des conclusions pratiques et parfaitement appropriées aux besoins de la situation actuelle. Personne (pour nous borner à une seule citation) n'a pu oublier le portrait tracé d'après Victor Hugo de l'enfant sans Dieu et de l'homme sans religion.

Le cortège, l'office religieux terminé, reprend le chemin de la faïencerie, dans le même ordre d'arrivée, et se réunit dans la cour d'honneur où aura lieu la cérémonie traditionnelle de la réception : M. le Président de la société Saint Martin présente les hommages de tous ses confrères à MM. les administrateurs.

Usant de notre privilège de chroniqueur, et répondant, du reste à une gracieuse et courtoise invitation, nous avons voulu être témoin de cette véritable scène de famille. Nous voulions (nous l'avouerons volontiers) voir enfin à l'honneur, notre excellent ami Adrien Vannier pour l'avoir vu à la peine dans l'organisation si difficile et si compliquée de cette fête gigantesque. Nous n'apprendrons rien aux personnes qui connaissent M. Vannier en disant que : chargé (en sa qualité de Président de la société de Saint Martin) de prendre la parole au nom de tous les sociétaires, il sut s'acquitter de cette tâche délicate avec autant de bonheur et de succès qu'il l'avait fait dans la disposition et la combinaison de la fête elle-même. Ouvriers et patrons, il ya eut de part et d'autres comme une explosion générale de félicitations.

La fête religieuse de Saint Martin (en l'an de grâce 1882) est toute à la louange des ouvriers de la faïencerie de Gien. C'est la meilleure preuve du bon esprit qui les anime et de l'union qui existe entre eux et leurs honorables patrons. C'est une consolation (au milieu des tristesses qui nous arrivent d'autres contrées) de constater que l'ouvrier n'est pas systématiquement irréligieux, que son cœur s'ouvre facilement à la divine influence de cette sainte religion, lorsqu'elle lui arrive par la voix douce et insinuante de véritables amis.

Puisse cette fête de saint Martin opérer le double résultat : être pour l’avenir le prélude fêtes plus belles encore, avoir pour le présent laissé chez tous ces braves ouvriers cette conviction : qu'il n'y a ici-bas ni belle fête, ni vrai bonheur sans la religion.



P. Bossard, Curé de Poilly



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