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Saint Greluchon à Ferrières-en-Gâtinais


Bulletin / Société d'émulation de l'arrondissement de Montargis |

article rédigé par France Thouvenot, novembre 1995


Michel Fauvin au cours de ses minutieuses recherches concernant le village de Nargis a retrouvé et publié une ballade du poète Paul Fort célébrant les clochers de Châteaulandon, Nargis et Ferrières. Ce poème, paru en 1921, évoque à propos de Ferrières une tradition toute populaire autour d'un certain Saint Greluchon.


"Ferrières, c'est l'avenir, hé! ma mie, nous irons.

Nous irons, nous verrons sa menue Vierge noire, dont la tête, au milieu doré d'un reposoir, n'est pas plus grosse qu'un pruneau ; mais si jolie, qu'elle est miraculeuse en temps d'épidémie.

Nous irons, nous verrons à l'ombre de l'église, l'arène où combattaient rétiaire et mirmillon, voire où Pépin le Bref abattit son lion. Mais de cet avenir faisons bien l'expertise.

Nous irons voir le dais que l'on porte en clochant, courant, sautant le jour de la Saint Greluchon, et qui supporte alors la Vierge aux yeux dardés que Gaspard le Roi nègre a dû trop regarder.

et sous lequel il faut embrasser sa promise, pour avoir des enfants plus tard : vite on la bise ! tout comme ici je fais, sous le dais bleu des cieux, vite votre joue, moins vite sur vos yeux".


A travers la fantaisie qu'y met le poète, nous retrouvons ici l'essentiel des traditions ferriéroises : la Vierge noire, le combat de Pépin contre un lion et puis St.Greluchon.


J'avais pourtant beaucoup étudié l'histoire de Ferrières et lu tout ce qui en avait été écrit mais je n'avais jamais rencontré Saint Greluchon. Je l'ignorais totalement donc, je l'avoue; jusqu'au jour où ayant lié connaissance avec un ancien compatriote natif de Rosoy le Vieil, très au courant du passé gâtinais, parti ensuite à Meaux où il fit carrière d'enseignant, M.Paul Bailly, celui-ci me dit alors que nous devisions de Ferrières ;"Mais il y avait aussi Saint Greluchon". Je n'en pus tirer davantage.

Et j'ai dès lors cherché St.Greluchon. Il n'était pas si oublié qu'on eût pu le croire. Tout comme la birette, St.Greluchon fait partie de notre folklore. Son nom est resté vivant dans le vocabulaire populaire du Gâtinais. Jean Jourdain le cite dans son glossaire.


A Ferrières, la fête de "la Saint Greluchon", on dit plus volontiers Guerluchon coïncidait avec le grand pèlerinage du lundi de Pentecôte où se rassemblaient de nombreux pèlerins venus de Montargis et autres paroisses gâtinaises. C'était la grande fête du pays ; on y recevait parents et amis et sur toutes les tables figuraient ce jour-là la traditionnelle tête de veau et "la tourte de Pentecôte". Le matin avait eu lieu la messe à la chapelle de Bethléem, suivie de la procession des reliques et du St.Sacrement laquelle se terminait à l'église abbatiale devant le tombeau de l'abbé Blanchefort où les fidèles passaient sous les châsses. La fête suivait alors.


On dansait sur le champ de foire. "Manèges et chevaux de bois étaient au rendez-vous. Au XIXème siècle le pèlerinage avait perdu beaucoup de son éclat et de sa ferveur ; mais la fête patronale demeurait très suivie. "La Saint Greluchon de Ferrières" était réputée à 10, 20, 30 kilomètres à la ronde, mais combien ne venaient ce jour-là à Ferrières que pour le bal et les festivités. Ainsi faisaient avant la guerre de 1914, alors qu'elles étaient encore jeunes filles, la mère et la tante d'une de nos interlocutrices ; et bien d'autres témoignages sont venus corroborer ce dernier. L'établissement de la voie ferrée dès août 1860 ne fit que renforcer la tradition du "pèlerinage" Le journal "Le Loing" parle amplement de Ferrières, de son pèlerinage et de sa fête en 1862 et 1863 ; le chroniqueur écrit : "Il y eut aussi trois bals sur le champ de Mars à l'amusement des spectateurs. et de citer "piston, violon, clarinette, trombone, bugle, fifre .et à 2 heures du matin le dernier train !" Mais quel est donc ce St.Greluchon dont la mémoire populaire a si longtemps gardé le souvenir, dont nulle trace n'apparaît dans les travaux historiques et qui se trouve ici associé à ces fêtes joyeuses destinées à un public de jeunes ? Hors de Ferrières, nous le retrouvons à Nohan, Vie et à Reboursin dans l'Indre, à Vehon en Saône et Loire, à Lassay sur Croisne dans le Loir et Cher, à Gratay dans la Mayenne et divers autres lieux. Dans la plupart de ces lieux il apparaît comme une divinité bienfaisante à qui les femmes viennent demander de leur donner des enfants. A ce titre Greluchon semble bien être le vestige de cultes très anciens.


Au plus lointain des temps, alors que la mortalité était effrayante, que la lutte pour la vie était une exigence de tous les instants, on comprend qu'un culte rendu à la fécondité se soit très tôt instauré ; il s'agissait de la survie de l'espèce. Tous lez niveaux de ces manifestations religieuses en ont pu exister, y compris ses expressions les plus grossières et on comprend aussi que le christianisme se soit heurté à ces très antiques rites si éloignés de ses propres aspirations. Aussi celui-ci a-t-il très tôt cherché à éliminer le dieu de la procréation : - Il ne le fit pas entrer dans le calendrier officiel bien qu'il lui eût attaché le qualificatif de "saint" pour tenter de se l'approprier. - Il le revêtit d'un nom aussi peu glorieux que possible, greluchon est un nom commun, diminutif de grêle (grêle, grelet, greluchon) et signifie personnage de peu d'importance, vulgaire, méprisable et même ayant des penchants honteux (il peut prendre le sens d'amant mais sans rien d'héroïque). - d'autres personnages enfin se sont substitués à lui, St.Pierre ici, St.Denis là.mais reste toujours la fête de la Saint Greluchon et des "voyages" ont très longtemps continué à se faire là où on se rendait dès les temps les plus reculés (voir ci-dessus ce qu'en disait Paul Fort vers l'année 1900). Et de vieux rites sont restés attachés à sa personne, entre autres celui du grattage de la pierre dont on obtient une potion capable de donner cette fécondité féminine tant recherchée, grattage de dolmen à Nohant-Vic ou d'une statue dernier refuge du pauvre greluchon qui s'incarne dans quelque autre personnage, tel le gisant de Guillaume de Naillac à Gargilesse dans l'Indre. Et sans doute en est-il de même à Ferrières où l'on venait gratter, mine de rien, la pierre du tombeau de l'abbé de Blanchefort pour combattre le mal de dents, nouvelle intervention sans doute du clergé, ôtant à ce greluchon ses prérogatives. Mais ne dit-on pas "mal de dents, mal d'amour" ? Pourquoi, Et souvenons nous que Ferrières fut un lieu de culte dès les temps préhistoriques (alignements de roches, vestiges mégalithiques, source guérisseuse.).


Greluchon a d'ailleurs d'autres partenaires qui lui ressemblent fort sous d'autres noms souvent expressifs : St.Phal, St.Phallier, St.Foutin, St.Génitour et même St.Genou. "Notons encore que le terme de "Saint Greluchon" en Gâtinais était devenu synonyme de pèlerinage ou plus exactement de la fête accompagnant le pélerinage ; c'est ce que faisait ressortir le Bulletin Folklorique d'Ile de France de juillet-septembre 1956 l'abbé Bard: "Dans notre Gâtinais on désigne tous les pèlerinages régionaux sous le nom de St.Greluchon. Depuis de longues années, j'entends dire : la Saint Guerluchon de Larchant (pour le pèlerinage de St.Mathurin), la Saint Guerluchon de Ferrières (pour N.D. de Bethléem), la Saint Guerluchon de Buno (pour le Sacré Cœur de Buno-Bonneveaux, en S. et 0.).(localité située sur l'Essonne, aux environs de Malesherbe ", ce dont l'abbé Bard s'étonnait En résumé : "Les saints Guerluchon, Phallier, Foutin, Génitour ., successeurs à peine voilés des dieux romains, gaulois, préhistoriques de la fécondité et de la force génitale, ces saints de dernière zone, peu appréciés de l'Eglise, n'apparaissent guère dans les calendriers officiels ; mais le peuple des campagnes, en dehors même des fêtes liturgiques ou concurremment à celles-ci, n'a cessé de leur rendre, plus ou moins secrètement, mais obstinément, un culte tout païen. Si certains d'entre eux, ici ou là, et le culte dont ils sont l'objet, sont assez bien connus (La Société de Mythologie Française en a souvent parlé : Bulletin n°26, 1956, p.62) ce qui les concerne est généralement tenu secret en dépit de pratiques et traditions bien vivantes. Il y a des réalités vécues dont on ne parle pas. Ajoutons toutefois que : "La dernière guerre a envoyé aux oubliettes la fête de la St.Greluchon et les nouveaux dans la contrée ignorent désormais jusqu 'à son existence.




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