Les hirondelles de la Madeleine (légende Montargoise)
Un vieil auteur, Jean du Pâtis,
Aux archives de Montargis
Narrait de sa plume savante,
Une histoire moult émouvante ;
Et je voudrais, ami lecteur,
Sans en affadir la saveur,
En des vers, si ma muse l'ose,
Traduire sa gentille prose.
Le fait date de trois cents ans.
Remontons donc au bon vieux temps.
Du Gâtinais la capitale,
Montargis, pour sa Cathédrale,
Avait un temple spacieux
Qui subit des chocs malheureux.
Le temps, dans sa rage implacable,
Et de son doigt impitoyable,
Puis les hivers et lets frimas,
Dans l'église ont fait maints dégâts.
Les murailles sont crevassées ;
Et mille vitres toutes cassées.
Si sur la maison du Seigneur
L'œil affligé versait un pleur,
Les circonstances étaient belles
Pour Mesdames les hirondelles !
Prés des chapiteaux, sur le mur,
Dans un abri tranquille et sûr
Leur demeure est vite trouvée,
Pour leur jeune et chère couvé.
Quand elle a lieu si gentiment,
L'audace plan assurément. C'est l'écho de toutes les voix :
Quels bonnes gens ! nos Montargois,
Par leur charité tant aimable,
Auraient cru faute impardonnable
D'affliger ces petits oiseaux,
Dans leur ménage et lourds travaux.
Les vivats étaient bien sincères
Aux gracieuses messagères
Du renouveau si dédie
Chacun souriait enchanté,
Quand, revenant d'un long voyage,
Il voyait leur bande volage
Planer sur la maison de Dieu,
Puis, s'installer dans le saint lieu.
C'est que gentilles hirondelles
Oncques ne troublaient les fidèles
Dans leur recueillement pieux.
Et Montargois, à qui mieux mieux,
Dans leur tendresse hospitalière
Accordaient liberté plénière
Aux bien aimés petite oiseaux.
Jamais curés, chantres, bedeaux,
Ni même impétueux vicaires,
Du temple aux chères pensionnaires
N'auraient pu faire en vérité,
Un seul reproche mérité.
Quand sonnait l'heure de l'office,
Par devoir, et non par caprice,
Paroissiens, ailés dans leurs nids,
En grande hâte réunis,
Faisaient de leur bec abstinence : C'était l'heure du grand silence : O douleur, O désordre affreux ! Dans un jour trois fois malheureux, Une indigne cacophonie Rompait cette douce harmonie C'était donc trois siècles plus tôt : Un cordelier, Père Prévost, Célèbre par son éloquence, D'une fête de circonstance, A Montargis, comme orateur, Veut bien rehausser la splendeur. Voici l'heure; il est dans la chaire; Et d'une voix tonnante et claire, A peine il pousse le premier mot ; Que de tous leurs nids aussitôt, Avec force battements d'ailes, S'élancent Dames hirondelles. A ce ton de voix éclatant, Quelque diable aussi les poussant, De la voûte sous les travées, Elles volent, tout effarées. Et par leurs mille cris stridents, Ebaubis sont les assistants. Le Cordelier croit qu'il est sage De lutter contre ce tapage. Il s'agite ; et, par quatre fois, Il grossit le ton de sa voix. Vains efforts : plus de discipline ; Le groupe effrayé se mutine. Dans l'auditoire, cependant, Il se fait un frémissement.
Même quelques lèvres malignes
D'un sourire esquissent les lignes.
Vaincu, notre religieux
Se recueille alors de son mieux.
Pour calmer soudain la tempête,
Vers le Ciel il lève la tête ;
D'un geste de commandement,
Et d'un ton de voix menaçant,
Interpellant les hirondelles
A sa parole trop rebelles,
S'écrie : Au nom du Dieu vivant,
Sortez de ce temple à l'Instant I
De cette apostrophe sévère,
On n'a pas la version entière.
Mais nos petite oiseux, lecteur,
De l'ordre ont compris la teneur,
Et chacun put les voir, de suite,
Hors du temple prendre la fuite
Le Père alors poursuit le cours
De son pathétique discours,
Dont on acclama l'éloquence
Et la salutaire influence.
Depuis, dit le vieux chroniqueur,
Des hirondelles, par malheur,
L'habitude n'est plus reprise
De s'introduire dans l'église,
Et d'y construire librement
Leur gentil petit logement.
Pourtant, aux murs du même temple,
L'oeil avec peine les contemple
Chaque printemps, à leur retour,
Aux dehors fixer leur séjour.
