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Pèlerinages de Notre-Dame de l'Epinoy à Châteauneuf-sur-Loire (1875)



Châteauneuf se prépare à célébrer le dimanche 20 juin une grande fête pour la clôture de son Jubilé et l'inauguration des restaurations faites dans ces derniers temps à la Chapelle de Notre Dame de l'Epinay. (Les précédents pèlerinages avaient lieu régulièrement tous les ans le 8 septembre ndlr)


Tout promet à cette solennité un éclat extraordinaire. Les paroisses du canton et les paroisses voisines sont invitées à y envoyer de nombreuses députations. Plusieurs associations d'Orléans ont laissé espérer leur précieux et édifiant concours et les dispositions sont prises à Châteauneuf pour faire ce jour-là de ce pays, dans la modeste mesure qui lui convient, le théâtre d'une belle manifestation chrétienne.


Du reste, Notre Dame de l'Epinay ou Notre Dame de Châteauneuf, comme on l'appelait, a toujours été en grande vénération dans toute la contrée. Sa chapelle était devenue autrefois un lieu de pèlerinage célèbre et très fréquenté, et l'histoire rapporte que de nombreux miracles, dans l'ordre de la nature et dans celui de la grâce y furent opérés. Serait-ce une trop grande prétention que de chercher à faire revivre des traditions qui furent la gloire et la joie de nos aïeux, et d'initier ainsi nos populations jusqu'à ce jour si déshéritées, au grand mouvement religieux qui se propage de jour en jour autour de nous.


Dans la quinzaine qui précédera ce pèlerinage, des exercices religieux auront lieu le matin et le soir dans la chapelle de Notre Dame de l'Epinoy disposée pour la circonstance.


Le 20 juin 1875, à 8 heures, messe de pèlerinage et du Jubilé. Des messes basses seront dites depuis 6 heures du matin jusqu'à 10 heures.


A 10 heures, à l'église paroissiale, messe en musique ; à 15 heures vêpres, processions solennelle de toutes les paroisses du canton et du voisinage avec leurs croix, bannières, oriflammes, emblèmes, saintes reliques, etc. ; station à la chapelle de l'Epinoy et sur la place Saint-Nicolas ; consécration de toutes les paroisses au Sacré-Coeur.


Au retour, illumination soudaine de l'église, salut et bénédiction du Très-Saint-Sacrement.

 

SANCTA MARIA DE CASTRO NOVO

ou NOTRE DAME DE L'EPINOY


Au couchant de la ville, entre le château et la route d'Orléans, apparaît une humble chapelle appelée Sancta-Maria de Castro Novo, ou Notre Dame de l'Epinoy. C'est le débris d'un édifice vaste et très ancien, à l'entrée duquel s'élevait jadis une tour majestueuse. Des restes de murailles et les vestiges d'un dallage en pierres mis à nu, il y a quelques années sont les témoins encore vivants de sa grandeur déchue : sa porte romane toujours debout rappelle le XIe siècle, et démontrerait, à elle seule, une haute antiquité, si des monuments écrits ne l'attestaient plus clairement encore. Le temps, les guerres, l'incurie des hommes ont hâté sa chute : la piété qui l'a fait sortir de ses ruines au XVIIIe siècle, lui a rendu sa célébrité, mais non sa beauté première.


On raconte, sur sa fondation, des choses touchantes, et qui, par leur caractère presque miraculeux, tiennent plus de la légende que de l'histoire.


C'était au temps où la foi, jeune encore, régnait en maîtresse absolue sur les cœurs et devenait le mobile de toute vie honnête. Il y avait, dans le pays, un seigneur de mœurs rigides qui passait sa vie à servir Dieu et à faire du bien aux hommes. Ses vertus étaient grandes, et sa dévotion plus grande encore se manifestait surtout par une tendresse affectueuse envers Marie : il l'aimait comme sa mère et l'honorait comme la mère de son Sauveur.


Or, il advint que Dieu se plut à le visiter la nuit par des songes.


Comme il était plongé dans le sommeil, une femme lui apparut et se tint debout devant lui. Elle était d'une beauté ravissante ; mais la tristesse voilait ses regards ; ses vêtements étaient lacérés, et de nombreuses blessures, pareilles à celles que ferait une épine aux pointes aiguës, sillonnaient son visage, ses mains et ses pieds. elle portait dans ses bras un jeune enfant aussi beau qu'elle ; et, à ce signe, le bon châtelain n'eut pas de peine à reconnaître Marie, la bénite Mère de Jésus, et la Rédemptrice du genre humain.


Mais d'où lui venait cette tristesse ? et quelle main l'avait ainsi défigurée ? Nul n'aurait pu le dire, et il fallait recourir à mille conjectures pour l'expliquer.


Quoique sans peur ni reproche, notre vieux chevalier, éveillé en sursaut, se signa dévotement, adressa à la bénite Vierge un Ave Maria, invoqua Jésus, puis son bon Ange, et, ne voyant plus rien devant lui, pensa qu'il avait rêvé et reprit son sommeil interrompu. La nuit s'acheva sans trouble ; mais il ne devait pas en être quitte sitôt.


Le lendemain et les jours suivants, la mystérieuse vision se reproduisit lorsqu'il dormait. Toujours les mêmes traits apparaissaient à ses regards ; toujours la même tristesse et les mêmes blessures navraient son cœur. Il reconnaissait Marie à ne pas s'y tromper ; elle le fixait d'un œil humide, et semblait lui dire : "Viens à mon secours!". Il ouvrait la bouche pour l'interroger, et sa langue, comme paralysée, ne pouvait proférer aucun son. La peine qu'il en ressentait faisait bientôt fuir le sommeil ; et quand il était éveillé, la vision avait disparu : il ne lui restait d'autre impression que celle du chagrin et de l'inquiétude.


Il en devint triste à mourir, et pria encore plus qu'auparavant. Agité comme une âme en peine, et ne sachant plus à quel saint se vouer, il était sorti un jour du vieux donjon, et promenait ses rêveries dans les champs voisins. Mais, si le corps était là, l'esprit n'y était point ; de graves préoccupations le retenaient ailleurs. Il quitta donc, sans y prendre garde, le sentier battu, marcha a travers champs, franchit l'enceinte de la forêt et se trouva bientôt engagé dans un fourré tellement épais, qu'étant accroché de toutes parts, et comme tiré par mille mains invisibles, sans plus pouvoir ni reculer ni avancer, il eut peur, cette fois, cria merci, se marqua du signe de la croix, et, pour se dégager, fit de violents efforts à l'aide du bâton de voyageur qu'il tenait en main.


C'est là que Marie l'attendait : le mystère de ses songes allait s'éclaircir.


Les épines, en s'écartant, laissèrent pénétrer le jour sur une pierre habilement aillée : et quelle est alors sa surprise, quand dans cette pierre antique, il reconnaît l'objet de ses visions ; car c'était une image de Marie : même visage que celui dont le souvenir le poursuivait partout, mêmes blessures faites par les épines à son corps et à ses vêtements. La tristesse alors se changea en joie : il comprit que la Sainte Vierge oubliée trop longtemps en ces lieux, demandait de lui une éclatante réparation ; ses gens furent appelés, les épines disparurent, la statue établie sur un piédestal rustique reçut les bénédictions et les hommages de tous : bourgeois et manants y accoururent à l'envi.


Il ne s'en tint pas là : un vaste temple fut édifié à ses frais, et s'éleva comme pas enchantement avec l'aide d'une population ravie. La sainte image restaurée et embellie, y fut offerte à la vénération des fidèles ; on ne parla plus, dans la contrée que de Sainte Marie de Châteauneuf. On l'appela : la Vierge sauvée des Épines ou Notre Dame de l'Epinoy ; d'innombrables pèlerins s'y succédèrent pendant la suite des âges ; il s'y fit des miracles dans l'ordre de la nature, comme dans celui de la grâce ; et telle fut la reconnaissance du peuple envers sa céleste bienfaitrice, que pour la désigner, il ne trouva plus qu'un mot : La Bonne Dame !...

par M. Bardin, Vicaire Général

 

Pèlerinage de Notre-Dame de l'Epinoy

A Châteauneuf-sur Loire, le dimanche 20 juin 1875

Notes d'un pèlerin

Châteauneuf est une de ces villes orléanaises, assises sur de gracieuses collines, dominant au loin les rives de la Loire qui serpente dans d'immenses plaines où le regard charmé va se perdre par de-là les horizon : villes de souvenirs qu'on aime à retrouver là, comme de touchants épisodes détachés de notre histoire nationale. Le château, l'église, la ville de Châteauneuf, placés à l'entrée de cette terre fertile si bien nommée le Val d'or, rappellent en effet une des pages les plus ravissantes des archives de la maison royale de France. C'est là que vécut Louis IX, la plus pure de nos gloires nationales. Tout y raconte encore ses vertus, ses bienfaits. Les oeuvres du grand roi et du grand saint sont restées vivantes par la tradition, dans le cœur des habitants et, par de savantes reproductions, sur les vitraux du sanctuaire.


Aujourd'hui, 20 juin 1875, la ville de Châteauneuf pleine d'une foule accourue d'Orléans, de Gien, de toute la contrée avec ses places et ses rues pavoisées, tout ornées de mâts, d'oriflammes, d'écussons et de ces mille guirlandes qui se croisent capricieusement au-dessus de nos têtes et forment comme des voûtes de verdure et de fleurs, renoue solennellement une de ses vieilles traditions et fait revivre, au milieu des jours mauvais que nous traversons, un des plus beaux jours d'autrefois.


Témoin de cet élan de foi et d'amour, pèlerin de Notre-Dame de l'Epinoy, je me demande si, à travers les siècles, Châteauneuf a pu offrir un plus beau spectacle, si, même au temps de saint Louis, nos pères firent mieux éclater leur reconnaissance.


Cette fête, qui est tout un évènement, a eu ses pieux préludes : neuvaine préparatoire, communion générale, solennité du matin, etc. J'apprends mille détails édifiants sur ces belles cérémonies ; mais impuissant à retracer, à la hâte, sur mon carnet de pèlerin toutes les impressions que j'éprouve pendant cette manifestation à laquelle je prends quelque part, je ne saurais refaire ici tous ces consolants récits.


Trois heures sonnent ; sous une pluie assez bénigne et désirée d'ailleurs comme une bénédiction, des milliers de pèlerins, formés en un immense cortège, s'avancent, entre deux haies de spectateurs. Comme à la procession de Jeanne d'Arc, c'est la gendarmerie à cheval qui ouvre la marche. Treize paroisses, dont plusieurs sont venues de loin, défilent successivement, ayant chacune sa croix paroissiale, ses bannières, ses groupes de jeunes filles en voile blancs, son clergé suivi des hommes qui réunis en une phalange, peuvent ici jeter un fier défi au respect humain.


La paroisse de Chatenoy, autrefois du diocèse de Sens, située entre la forêt et le canal d'Orléans, est à plus de 14 kilomètres de Châteauneuf. Cette distance n'a pas empêché M. l'abbé Thouron, le jeune curé et les bons paroissiens de Châtenoy, d'arriver des premiers aux pieux rendez-vous et de prendre la tête du cortège. Les fidèles de Saint Denis de l'Hôtel, conduits par M. l'abbé Gendrot, leur aimé curé depuis plus de vingt-six ans, forment ensuite tout une procession paroissiale. Non loin de ce groupe nous croyons reconnaître quelques habitants de Jargeau et des autres paroisses du Val.


Voici maintenant Combreux, modeste paroisse de la forêt d' Orléans, qui mérite aujourd'hui d'être mise a l'ordre du Jour de la piété orléanaise : Ne dirait-on pas en effet que toute la population de Com­breux se retrouve là, sous ses trois bannières, groupée autour de son zélé curé, M. l'abbé Cornet. C' est qu'ici l'exemple vient de haut : Mme la duchesse d'Estissac, la Providence des pauvres et des bonnes œuvres ainsi que ses trois filles, ont pris rang dans le cortège. Com­breux a en outre une riche bannière du Sacré-Coeur dont les cordons sont portés par : MM Chanceau, Léaux, Germain, Fiacre, Vacher, Martin, types achevés, selon l'expression de leur digne curé, de l'honneur dans le travail.


Fay-aux-Loges succède à Combreux. Déjà l'an dernier nous avons signalé son long défilé dans la procession de Cléry. Paroisse importante elle se retrouve dignement représentée à toutes nos manifestations de piété, de foi et d'amour. Nous croyons entendre dans la foule de sincères mais timides applaudissements, sur le passage de son chœur de cantiques. Rien d'étonnant : Fay possède un curé qui, aux vertus du pasteur, sait unir les talents d'un artiste.


Maintenant, avec quelle respectueuse sympathie la multitude ne voit-elle pas s'avancer péniblement, au milieu d'un groupe d'hommes, un prêtre qui se traîne plutôt qu'il ne marche. Oubliant ses soixante­ neuf ans et une douloureuse infirmité, M. le curé de Germigny ne cède à personne le privilège de présider son cortège paroissial. A la suite de M. le curé de Germigny, on remarque un autre pasteur ; mais celui-ci est presque sans troupeau. Ermite et curé, il vient des bruyères, et prie à haute voix avec une ferveur toute cénobitique.


C'est la belle bannière du patriarche des moines qui resplendit après l'humble croix de Seichebrières. Comme on aime à saluer, sur ces belles rives de la Loire, cette bure austère du benédictin : heureuse apparition qui reporte le pensée à des âges de foi, de science et de gloire, et remplit l'âme d'émotion et d'espérance.


La paroisse qui marche à la suite de Saint-Benoit est, par le choix et l'harmonie des hymnes et des cantiques, la rivale de Fay-aux-Loges. Tout le monde chante dans la procession de Saint-Martin-d'Abbat et, ce qui est encore mieux tout le monde chante bien. Quel élan M. l'abbé Revel sait entretenir dans les rangs ou il semble se multiplier.


Le vénérable abbé Tissier, curé de Sury-aux-Bois, malgré ses soixante-cinq ans, n'a pas hésité à venir de quinze kilomètres, avec ses paroissiens, prendre sa part de fatigues et de mérite dans ce pèlerinage.


Honneur à Vitry-aux-Loges ! Dans ses groupes nombreux on distingue de nobles Dames. Les MM de Beauregard, fidèles à des tra­ditions de famille, aiment à rester confondus au milieu de leurs fermiers chrétiens, qui suivent un curé vénéré depuis plus de vingt ans.


A l'intelligent curé de Sigloy, heureux de diriger tout une procession de Fête-Dieu, était réservée la préséance. Sa Paroisse précède immédiatement celle de Chateauneuf. Ce privilège lui appar­tient, car il est beau et rare de voir aussi nombreuse, dans une ma­nifestation de piété, une population d'opulents vignerons.


La tête de la procession, en mouvement depuis bientôt une heure, a dépassé le sanctuaire de Notre-Dame-de-l'Epinoy et se replie déjà pour reprendre son parcours à travers les rues, les quais, les fau­bourgs de la ville, quand la brillante fanfare du Pensionnat des Frères qui accepte, avec grâce et générosité, de porter sa pieuse animation dans nos fêtes orléanaises, annonce enfin, par une marche triomphale, que le cortège historique de Châteauneuf commence à sortir de l'église.


Des emblèmes. des bannières, des statues, des reliquaires, portés au milieu de groupes symboliques d'anges, de vierges, de person­nages, séparés par des forêts d'oriflammes, défilent pendant un temps que l'émotion ne me permet plus d'apprécier. Les ravissements de la foule se traduisent par mille exclamations qu'un saint respect est maintenant impuissant à comprimer. L'enthousiasme tend à devenir bruyant.


Que de tableaux, de scènes, d'ingénieuses créations frappent tour à tour les regards! Comment les noter tous? Ici c'est l'étendard de sainte Jeanne de Valois; des dames d'honneur portent les attributs de la royale abbesse : une couronne, la règle monastique, la crosse. Là, le reliquaire de saint Hippolyte est entouré d'anges qui nous montrent les instruments du supplice et les palmes du martyre.


Plus loin, la châsse de Saint-Louis, le bienfaiteur de Châteauneuf, le protecteur de la France, est précédée de gentils page qui, avec la gravité candide de l'enfance, tiennent devant eux les insignes de la royauté et ceux de la sainteté : des couronnes, une épée, la main de justice.


Ailleurs, trois jeunes châtelaines, de l'illustre maison des de la Rochefoucault au milieu de tout un essaim de vierges d'une éclatante blancheur, s'avancent de front, portant, avec cette distinction qui se trahit partout comme l'inimitable empreinte d'une noble origine, des dons mystiques : une corbeille de fruits veloutés, une gerbe d'épis dorés, un cep de vigne orné de ses grappes transparentes.


Enfin, devant une nombreuse phalange d'hommes, dont les chants alternent avec l'excellent orphéon de Chateauneuf, apparaît le dais. L'officiant, M. l'abbé Coureux, curé doyen de Bazoches, présente aux adorations de la foule inclinée, silencieuse, une relique de la vraie Croix. Une couronne de prêtres sert de garde d'honneur au bois sacré de la Rédemption. Citons M.M. Hetsch, vicaire-général ; de Torquat, curé de Chevilly; Piau, curé-doyen de Beaugency; Guyot, curé-doyen de Chécy; Bouloy, chanoine honoraire ; Ludovic Brague, curé de Nogent; le père prieur de Saint-Benoît ; Roger, curé de Boiscommun ; l'abbé Fortin; l'abbé de Saint-Aignan, le père Maurille, prédicateur de la neuvaine, etc. etc.


Mais il faut achever ces notes. Si bien la pluie, qui, à l'heure présente, contrarie tout dans le programme de la fête, rend illisibles des lignes tracées maintenant sur des feuillets détrempés.


A six heures et demie, le clergé pénètre dans l'église, mais à l'aide de quels efforts ! s'infiltrant patiemment dans une foule compacte. Tout le monde est là debout, pressé comme entassé. Le salut solennel est donné sous des voutes soudainement et splendidement illuminées.


Pèlerins d'Orléans, nous gagnons notre train en toute hâte. Les échos d'une brillante fête de nuit, avec procession aux flambeaux, station au reposoir, consécration solennelle au Sacré-Coeur, nous arrivent encore, mais ces s'achèvent avec notre pèleriange à la Vierge de L'Epinoy.

L'abbé Gélot

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