Saint Posen à Chatillon-sur-Loire
CHATILLON SUR LOIRE (Guide du Val de Loire mystérieux)
La commune possède une fontaine sacrée placée sous le patronage de saint Posen. Ce vertueux berger, né au 6e siècle, se rendait chaque matin au bourg de Bonny-sur-Loire, afin d’y être instruit et affermi dans la foi chrétienne. Avant d’entreprendre ces pieuses démarches, il se contentait de tracer avec sa houlette un cercle à l’entour de ses ouailles ; et celles-ci, enchantées, ne vaguaient jamais au-delà. Il évangélisa la région, puis se retira dans son village natal de Santranges, où il mourut.
Sa fête était célébrée le 17 juin par les bergers qui venaient nombreux à Chatillon en l’honneur de ce saint protecteur des troupeaux (Cf Duchateau, Histoire du Diocèse d’Orléans),. Une petite chapelle fut édifiée sur sa tombe et, à proximité, s’établie le monastère de Nacré. A la fin du 10e siècle, Aimon le Fort, seigneur du lieu, en fit donation aux moines de Fleury qui substituèrent à la chapelle l’église de Chatillon sur Loire, placée sous le vocable de saint Maurice.
Vers 997, un humble porcher simple d’esprit, nommé Constant, découvrit la sépulture de Saint Posen, grâce à une triple révélation miraculeuse. On s’empressa de porter la précieuse dépouille en l’église priorale, où elle devint rapidement le but d’un pèlerinage fréquenté. Des miracles variés eurent lieu sur ce tombeau : guérison d’une femme informe, d’une possédée, châtiment d’un soudard, etc. Le plus curieux de ces miracles est sans doute celui-ci dont André de Fleury, qui le rapporte assure avoir été le témoin : une jeune fille aveugle ayant recouvré la vue grâce au saint homme Posen, fit devant sa sépulture le voeu de lui vouer sa vie. Peu de temps après, infidèle à sa promesse, elle quitta Chatillon. A peine en avait-elle franchi les limites qu’à nouveau elle perdit la vue. Force lui fut de revenir sur ses pas. Arrivée près des saintes reliques, ses yeux revirent le jour ; et, conclut André, elle fut forcée de rester dans ce lieu béni, qu’elle n’aurait jamais dû quitter. Posen était donc parfois exclusif ; s’il tenait ses promesses, il aimait aussi qu’on fasse de même à son endroit.
In Duchâteau, Histoire du Diocèse d’Orléans :
Vers 997, Abbon apprit la découverte des reliques du prêtre saint Posen dans l'église du prieuré de Châtillon-sur-Loire, par suite d'une révélation faite à un pauvre pâtre des environs. Le prieur recueillit ce trésor avec une profonde reconnaissance, et le plaça au-dessus de l'autel, dans une châsse qui devint bientôt le but d'un pèlerinage très fréquenté.
In Annales Religieuses et Littéraires de la Ville et du Diocèse d’Orléans – Tome 10
Les vendredis blancs à Chatillon-sur Loire
Théophile Cochard – 1869
« Il manque quelque chose à la gloire humaine des Saints qui n’ont pas été entourés d’un culte populaire, qui n’ont pas reçu, en même temps que les hommages de l’Eglise, ce tribut d’humble amour et d’intime confiance qui se paye sous le chaume, au coin du feu de la veillée, de la bouche et du cœur des simples et des pauvres » (M. de Montalembert dans l’introduction à la Vie de saint Elisabeth).
En effet, saint Posen est considéré comme le protecteur des troupeaux. Rien n’est plus naturel qu’une telle croyance, comme rien n’est plus surnaturel que la dévotion qui en découle.
Les troupeaux ont un ennemi par le fait même qu’ils appartiennent à l’homme. C’est le démon. Habile et rusé il nous attaque par l’endroit le plus sensible : l’homme des villes par le plaisir, l’homme des champs par la peine. Or un des plus sensibles peines que ce dernier puisse ressentir, c’est de se voir frustré du fruit de ses sueurs. Satan donc le tente, à la manière de Job, en semant la stérilité dans ses champs et la maladie parmi ses troupeaux.
Entre toutes les maladies qui affligent le bétail, il en est une, mystérieuse, foudroyante, que nos paysans redoutent. Au dire de ces bonnes gens, c’est là une maladie terrible. Une de leurs bêtes en est-elle atteinte ? elle n’a plus d’appétit : prise d’un tremblement convulsif, elle tournoie sur elle-même comme mue par quelque ressort invisible ; elle écume, se roidit et meurt après quelques jours d’horribles souffrances. De l’aveu même des hommes instruits dans l’art de soigner les bestiaux, c’est aussi une maladie incurable. Aussi bien la science humaine dans son impuissance à la guérir n’a-t-elle jamais osé lui donner un nom. Le nom de ce mal étrange, car il en a un, il le tien de la foi de nos populations rurales qui l’appellent la maladie de saint Posen ; car elles sont persuadées que saint Posen, comme berger doit s’intéresser aux troupeaux, et qu’il peut, comme saint, obtenir de Dieu le pouvoir de les préserver et de les guérir de ce mal qui les décime. Cette croyance et cette confiance font tout le fonds de la dévotion populaire que la gent pastorale a vouée depuis des siècles au saint Curé de Châtillon. De là, ces voyages, qui, chaque jour se font à l’église de Châtillon, lesquels prennent les proportions d’un concours publics les trois derniers vendredis de Carême, connus en Berry sous le nom de vendredis blancs. On les appelle ainsi, parce que autrefois les pèlerins faisaient bénir à l’église des faisceaux de bâtons blancs, ou de baguettes de coudrier, dont ils avaient enlevé l’écorce, et qui devaient leur servir à toucher leurs brebis et aussi, parce que dans la messe du jour le prêtre se revêtait d’ornements blancs, qui formaient un certain contraste avec les ornements violets en usage pendant la Sainte-Quarantaine (le Carême NDLR)
Le second des vendredis blancs, l’intérieur de l’église de Châtillon offre un spectacle aussi curieux qu’édifiant. Ce jour-là, en effet, les bergères venues de loin et à jeun, occupent silencieusement la grande nef. Au lieu de la baguette traditionnelle de coudrier, qu’elles portaient jadis en signe de leur souveraineté pastorale, elles tiennent à la main et allumée une modeste chandelle ou un petit cierge de cire, et égrènent fort dévotement leur gros chapelet à grains noirs ou bleus, pendant que le prêtre dit la sainte Messe. A la fin des saints mystères celui-ci bénit en masse le pain, le seul et l’eau puisée à la fontaine de saint Posen, que lui présente chaque pèlerin, et sur la tête de chaque bergère récite avec l’étole un passage de l’Évangile selon saint Matthieu, qu’il termine par l’invocation du sain. Les bergères mettent fin à leurs dévotion envers le bon saint Posen, en s’agenouillant au pied de sa statue, devant laquelle elles déposent leur cierge toujours allumé, ou une poignée de laine et même une toison entière. Ceci fait, elles retournent à leurs chaumières et à leurs champs aussi pieusement qu’elles en sont parties.
Voilà ce que nous avons vu, mais ce que nous ne saurions exprimer comme il faut, c’est la foi naïve et confiante avec laquelle se font ces pieux voyages : elle nous a toujours paru celle à qui Dieu a promis ses grâces et ses prodiges.
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