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La procession du 8 mai à Orléans De 1430 à 1907


La charte municipale arrêtait que l'anniversaire de la Délivrance d'Orléans, par Jeanne d'Arc, serait célébré, chaque année, ad perpetuum.


Pour savoir en quoi cette fête devait consister et pour comprendre l'esprit religieux qui, dans ses grandes lignes, en avait dicté le cérémonial, il importe de s'en reporter aux clauses même de ladite charte.


Or, il y était ordonné que, le 8 mai, serait faite tout d'abord une PROCESSION.

C'était Jeanne d'Arc elle-même, qui, selon le « mystère du siège », l'avait demandé. Le 10 mai, en effet, en quittant les Orléanais, elle les chargeait de fêter ainsi le souvenir de leur délivrance :


si vous en charge faire processions

et louer dieu et la vierge marie,

dont par anglais n'a point été ravie

vostre cité et voz possessions.


Cette procession « irait jusque aux Augustins », partout où « l'estour » avait eu lieu, où se feraient stations, et, à chaque station, une oraison ; et à laquelle les douze Procureurs de la ville assisteraient, ayant chacun en la main un cierge, où seraient les armes de la ville. Il était aussi prescrit que chaque citoyen, qui participerait au cortège, « porterait un luminaire. » Du couvent des Augustins, on devait revenir autour de la ville, pour stationner devant l'église de Notre-Dame des Miracles de Saint-Paul ; et, delà, la procession gagnait Sainte-Croix, où il y « avait sermon et la messe après. »


Ainsi, au début, c'était la procession autour et en deçà des murs de la ville, qui précédait le sermon et la messe d'actions de grâces. C'était logique : elle rappelait le siège, ses combats (estour) et sa « levacion » après la prise des Tourelles. Ce rappel à ce qui s'était fait les 7 et 8 mai 1429, motivait le sermon, « l'oraison panégyrique », comme s'exprime Symphorien Guyon; et le sermon expliquait la messe, l'action de grâces par excellence.


Toutefois, cet ordre, dans la suite des temps, devait être interverti, puisque maintenant, c'est par la messe que la cérémonie commence ; c'est par le panégyrique qu'elle se continue, et c'est par la procession qu'elle se termine.


Or, cette procession a subi, à travers les siècles, des modifications dans son ordonnance, dans son itinéraire et dans ses stations, Aussi, nous proposons-nous d'exposer ces vicissitudes de forme aux Orléanais, aux vrais, afin qu'ils défendent leurs traditions ancestrales contre ces « faux Français », qui, à cette heure, s'acharnent à les rompre pour les démolir à tout jamais.


Par cette fidélité aux engagements sacrés de leurs ancêtres, les Orléanais offraient un exemple unique d'entente et de reconnaissance patriotiques.

Honnis soient donc, honnis soient à jamais les renégats d'un passé traditionnel, devant lequel les étrangers se plaisaient à s'incliner !

L'aperçu historique que nous entreprenons, en champion déterminé de nos vieilles traditions, comportera trois parties qui correspondront aux changements introduits, dans l'ordonnance de la procession du 8 mai, par des circonstances de lieux et de faits.


§ I. — La procession du 8 mai, du XVe au XVIIIe siècle.


C'est à nos plus anciens historiens, La Saussaye, Le Maire et Symphorien Guyon, — malheureusement ils ne sont que du XVIIe siècle, — que nous empruntons les éléments de cette première partie.


Le 8 mai, vers 7 heures du matin, le sermon prononcé et la messe solennelle chantée, se faisait la procession, qui a « toujours été fort dévote », à cette procession seuls prenait part :


  • MM. du Clergé

  • MM de la Justice

  • Les Maire et Echevins

  • Et les Communautés Religieuses


A ne s'en tenir qu'aux termes de l'historien (Symphorien Guyon), il ne semble que le cortège, semi-civil et semi-religieux, fut escorté militairement. Les chevaliers du guet et les cinquanteniers n'étaient sur son passage que pour assurer le bon ordre. Quant à la milice bourgeoise, elle n'y avait pas rang ; elle n'intervenait sur « les Ponts » que pour simuler l'assaut des Tourelles ; là, du moins, les miliciens représentaient les combattants du siège.


A la suite du clergé, les Orléanais remarquèrent, dans la seconde moitié du XVe siècle, la présence de Jean du Lys, dit la Pucelle, fils de Pierre, qui était le frère de la Pucelle. Sieur de Villiers près d'Ardon, et partent vassal de l'église d'Orléans, il venait chaque année, participer à l'anniversaire de la Délivrance d’Orléans ; il était précédé d'un appariteur portant un cierge allumé.


Après sexte, qui suivait la messe, le cortège sortait de Sainte-Croix par le portail sud, au son des cloches et au chant des psaumes, pour faire le tour intérieur des remparts, tels qu'ils étaient durant te siège, en commençant par l’est, pour finir pas l’ouest.


Si l'on désire se pendre compte de l'ampleur et de la longueur ce cortège, serpentant dans le dédale des rues étroites du « Vieil Orléans », l’on doit se rappeler qu'avant le sac de nos églises par les huguenots, il y avait, à chaque procession, 104 hommes, portant les châsses des saints avec les torches et les cierges :

Châsses de saint Marceau, de saint Benoît, de saint Evroult, de saint Sanson, de saint Maclou, de saint Tremer, de saint Avit ; Chefs de saint Victor et de saint Aignan, de saint Mamert, de saint Flou, de saint Euverte, de saint Quirince ; châsse de saint Balthasar, de sainte Dorothée, de saint Paul l’Ermite, de saint Jérôme, de saint Denis, de saint Vincent, de sainte Barbe, de saint Euverte, de saint Ozannes, de saint Mesmin, de saint Pouair (Paterne).


La procession passait par devant Saint-Etienne, adossé à la muraille pour côtoyer l'ancienne Porte-Bourgogne : delà, après avoir longé l'église de Saint Flou, elle descendait par la rue de la Charpenterie à la porte du pont, voisine du Châtelet.


Durant tout ce trajet, les choristes de la cathédrale et de la collégiale de Saint Aignan chantaient des répons en l'honneur de saint.


Sur le pont, devant la Belle Croix (elle était en bronze, placée sur le pilier oriental qui séparait la cinquième arche de la sixième ; elle a disparu avec le pont vers 1751), se faisait la première station : là on chantait le répons : O crux viride lignum, puis le psaume ; Omnes gentes, sur l’antienne : Ecce crucem Domini avec un verset, suivi de deux oraisons.


De là, on sortait de la porte des Tourelles pour aller à la seconde station, qui se faisait sur le bord du fossé, du côté est, regardant Jargeau, où, après avoir chanté le répons Quae est potentia, on chantait le psaume Laetatus sum… sur l’antienne Da pacem, puis l’officiant disait deux oraisons.


Ensuite, les chantres s'en allaient de l'autre côté, sur le bord du fossé, qui regardait, à l'ouest, vers Meung, auquel lieu se faisait la troisième station : on chantait le répons Ego te tuli… qui sont les paroles de Dieu adressées à David et adaptées à la Pucelle, appelée de la conduite des troupeaux à la conduite des armées. Après, était chanté le psaume Exaudiat te… sur l'antienne Rex sine fine... puis étaient dites deux oraisons.


Après ces choses, ou allait faire une quatrième station devant les Tourelles.


Cependant, les soldats de la milice bourgeoise, c'est à dire au XVIIe siècle, les arquebusiers des Buttes, avec leurs capitaines et lieutenants, s'étaient divisée en deux compagnies, dont l'une s'était rangée sur la « motte Saint-Antoine », et l'autre, qui avait dans ses rangs le Puceau sur les créneaux des Tourelles.


Et tandis que la procession allait de la « Belle Croix » au fort, chaque compagnie faisait une « salve agréable de mousquetades, et, joignant le son de cette scopeterie avec le chant du clergé, provoquait tous les assistants à louer Dieu », qui le 7 Mai, avait donné la victoire à la Pucelle.


Pendant les salves d'arquebusades, on avait chanté le répons ; Vos qui in turribus estis le psaume Nisi quia Dominas... sur l'antienne Non confundetur..., qui est aussi adaptée à la Pucelle ; et, après l'oraison, la procession se réunissait sur le pont pour remercier Dieu, avec le cantique de Moyse, de ce que tant d'Anglais s'étaient noyés, là même dans la Loire, comme les soldats de Pharaon dans la mer Rouge.


« Anciennement, écrit Le Maire, la procession allant au couvent des R.P. Augustins, se dressait, sur 1e boulevard du Portereau, un théâtre, où estaient musiciens, joueurs de luth et ménétriers, avec personnages qui représentaient quelque chose de mémorable en l'honneur de la ville. »


D'après les comptes de ville, ce fut le « mystère du siège d'Orléans » (L'auteur de ce mystère serait Jacques Millet, alors étudiant à l'université de lois d'Orléans) qui, en 1435 et en 1430, et même en 1456 (Depuis 1456, à force d'additions successives, ce poème ne compte pas moins de 20 529 vers) fut joué sous sa forme primitive du moins. Mais, au XVIIe siècle il semble qu'on avait renoncé à ces représentations théâtrales, qui n'avaient plus l'attrait du nouveau ou du vécu.


Après ce simulacre de combat, qui rappelait les bombardes et les cris tumultuaires des combattants, la procession rentrait dans la ville, et s'en allait, du côté ouest, continuer le tour des anciennes murailles. Passant le long des rues de la Pierre-Percée, du Puits-Saint-Christophe, elle remontait par le « vieux marché», pour gagner l'église de Saint-Paul ; et, en faisant ce chemin, on chantait les répons In Hymnis... et Gaude Maria, avec la prose: Inviolata, integra et casta es Maria, pour louer la sainte Mère de Dieu, à « l'honneur de laquelle on faisait la cinquième station, devant l'église Saint. Paul, vis-à-vis la chapelle de N.-D. des Miracles.


A cette station, les chantres de Sainte-Croix, de Saint-Aignan, de Saint-Paul, montés sur un échafaud, chantaient l'antienne Regina ; et après l'oraison, dite par le Prélat, ils ajoutaient, dit Symphorien Guyon, un « motet de dévotion en musique » que Le Maire nous a heureusement conservé. Le voici :

Noble Cité de moult grand' Renommée,

Ville puissante en tous lieux bien famée,

Chambre de Roy digne d'astre nommée,

Lieu décoré de décrets et de Lois,

Toy Orleans richement a ornée

De guerre en paix la mercy Dieu tournée

Réjouis toy à icelle journée,

Peuple vaillant et tres loyal François ?


Chantez, ô le Clergé. Messieurs les Bourgeois,

Vous, Notables Marchands, aydez-nous cette fois,

Commune d'Orléans, esleuez vostre voix,

En remerciant Dieu et la Vierge sacrée,

Quand jadis à tel jour huictiesme de ce mois

Regarda en pitié le peuple Orléanois,

Et tellement chassa nos ennemis Anglois

Que la Duché en fut en joye délivrée.


A la douce prière Chantons donc tous ensemble,

Dont le Roy Dieu pria, Et nous réjouissons

Vint Pucelle Bergère C'est du mieux ce me semble

Qui pour nous guerroya Que faire nous puissions.

Par divine conduitte Rien nous devons louer Dieu

Anglois tant fort greva, Quand nos grands ennemis

Que tout les mit en fuite A chassé de ce lieu

Et le siège leva Et hors de France mis.


O Reine de la sus en grand' dévotion,

Icy devant Saint-Paul vous en remercions,

D'en célébrer le jour sommes par trop joyeux,

Chacun an, y faisons belle Procession,

Portans nos beaux Joyaux par décoration

En chantant chants de paix et Motets gracieux :

O benoist Saint Aignan tant digne et précieux,

O Saint Euverte aussi et patrons glorieux

Le Trésor d'Orleans garde et protection

En la Bannière mis


O la Vierge tous deux

Quand vous a pleu tourner

En liesse nos deuils

Tres humblement aussi

Vous en remercions.


Gaudeamus omnes in Domino, diem festum Celebrantes, sub honore Liberationis civitatis, de cujus liberatione gaudent Aurelianenses, et collaudent filium Dei.


De cette cinquième station, la procession, continuant le circuit de l'ancienne ville, passait assez proche de la Porte-Renard, et s'en allait par la rue de la Vieille-Poterie, gagner le coin du Martroi, où était anciennement la première porte Bannier; et de là, passant auprès de la poterne Saint-Sanson, tirait vers la « porte Dunoise» ; et le long de ce chemin, on chantait « trois répons convenables, pour reconnaître, Dieu, protecteur et libérateur des villes et provinces affligées »


A la « porte Dunoise », qui était la porte de la ville avant que le bourg Avenum y eut été adjoint, se faisait la sixième et dernière station.


Là, au XVe siècle, les choristes montés sur une estrade, chantaient les motets suivants, dont la musique est attribuée à Eloi d'Amerval, maître des enfants de choeur de Sainte-Croix (1483) :


Salus Aurelianorum et omnium populorum,

Per Crucem Christi facta est laetentur Aurelianenses,

Paunent manibus credentes, quia Rex noster,

Per virtutem Sanctae Crucis in Urbe triumphavit et inimicos vicit.

Grandement rejouyr te doibs,

Devost peuple Orleanois,

Et commetres loyal François,

Remercier Dieu à haute voix;

Quand cinq jours après la grande peste,

De la digne et beniste Croix.

Le huitième jour de ce moisi

Par une Pucelle une fois,

Chassa tes ennemis anglois

Qui tant te firent de tempeste.


Ecce Crucem Domini, fugite partes adversae, per quam vicerunt ilia, Leopardos de Anglia


Voicy la Croix du Fils de Dieu ;

Voicy de France le milieu;

La noble Cité d'Orleans,

Fuyez Anglois de ce beau lieu

Et vous souvienne après tous jeu

Que ne gaignatez rien leans.


Adonay, Domine Deus magne et mirabilis, qui nobis tali die dedisti salutem in manu Puellae, tibi gratias agimus humilesque laudes referimus.


Judith et Hester, nobles Dames

Et plusieurs autres vaillantes femmes,

Par le vouloir du Dieu des Dieux,

Bataillèrent pour les Hébreux,

Et eurent de belles victoires

Comme nous trouvons ez Histoires

Tout ainsi pour nostre querelle

Batailla Jeanne La Pucelle.


Salua nos, Christe savator, per vitrutem Sanctae Crucis, qui demersisti Anglicos in Ligeri, miserere nobis.


Ne sailliez jamais d’Angleterre,

Anglois pour gagner nostre terre,

Regardez comment Glacidas

Fut noyé et d'autre grand tas

Sallebri frappé d'un canon

Dont mourut à confusion :

Car Notre-Dame et Saint-Memart

Les gresuerent de toute part,

Saint Euverte les mit aussi

Et S. aignan en grand soucy

En la vertu, comme je croix,

De Dieu et de sa digne Croix.


Erat enim exercitus Anglorum magnus valde et fortis et appropiavit Puella et exercitus Francorum in praelio, et victoriam dedit illis Dominus omnipotens.


Or prions donc pour le bon capitaine,

Sage et prudent Monseigneur de Dunois,

Que Dieu le mette en la gloire hautaine,

Poton, Lahire et tous les bons François,

Et rendons tous graces au Roy des Roys,

Qui, à tel leur, nous mist hors de grand peine,

Et adorons sa precieuse Croix

Le vrai salut de creature humaine.


Servi Crucis Crucem laudent,

Qui per Crucem sibi gaudent

Pacis dari munera

Dicant omnes et dicant singuli,

Ave, salus totius populi

Arbor salutifera,

Salva praesentem catervam in tuis hodie

Laudibus congregatam, Alleluia !


“Et après ladite procession, Messeigneurs les gens d'Eglise sçavoir celuy qui avoit officié, nommé le Prelat, les Diacre et Soubsdiacre nommés l'Evangelier et l'Epistolier, les deux Chappiers, nommés Domnas, Dominas, de Domnus ou Dominus, avec le Prédicateur et son Compagnon estoient conviez par Messieurs les eschevins au Banquet qui se faisoit dans l’Hostel de Ville » (Le Maire, p. 309).


Au XVIIe siècle, selon Symphorien Guyon, les chantres ne faisaient entendre, à la Porte Dunoise, que l'antienne et psaume : Fundamenta ejus in montibus.


Enfin, après cette dernière pause, la procession rentrait dans l'ancienne ville, ou chantant des hymnes de la Dédicace de la cathédrale et de l'Invention de la Sainte Croix, à cause des octaves de l'une et de l'autre, jusqu'à Sainte-Croix, où se chantait le Te Deum. Tel était le premier itinéraire connu de la procession du 8 mai. Les Orléanais, en processionnant, suivaient à la lettre les intentions de leur Libératrice ; en processionnant autour des murs assiégés, ils croyaient encore suivre ses pas.


§ II. - XVIII° Siècle.


L'itinéraire de la procession subit, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, plusieurs modifications, dont la plus importante fut la résultante de la suppression du vieux pont, sur lequel le siège avait eu son dénouement. Mais auparavant, cet itinéraire avait été abrégé, pour ménager les forces des assistants, que fatiguait un trop long parcours.


On était trop loin du siège, pour avoir conservé la première ferveur reconnaissante des temps voisins du « désassiègement ». La disparition des tours et des murailles du siège, ici rasées, là masquée par des maisons, avait estompé les souvenirs des temps héroïques et affaibli les traditions. Aussi commença-t-on par restreindre le tour de la procession.


Pour gagner le pont du Châtelet, au lieu de s'engager dans la rue du cloître Sainte-Croix et du cloître Saint-Etienne, de traverser les rues de la Corne-de-Cerf, du Puits-de-Linières, du Gros-Anneau, des Images, de l'Impossible, de la Charpenterie, le Grand-Marché, les rues Saint-Jacques, la procession, sortie par le portail roman sud, suivit les rues de l'Ecrivinerie, Saint-Sauveur, du Petit-Ambert, de l'Ormerie, de l’Huis-de-Fer, par le Pilori, les prisons, le coin Saint-Jacques. Le pont franchi, des Tourelles, Elle gagnait l'église des Augustins, où elle se terminait.


Au retour, après le pont, on prenait la rue Sainte-Catherine, passait devant le collège des Jésuites, la porte principale de Saint-Pierre-Ensentelée, la rue d'Escures, la rue de l'Evêché, et rentrait dans Sainte-Croix par la porte latérale nord, « la porte principale étant actuellement embarrassée » (ordonnance de Mgr de Paris en date du 1er mai 1746).


Mais en 1772, le nouveau pont ayant été, depuis 1782, livré à la circulation, et le monument de la Pucelle, qui se trouvait sur l'ancien pont démoli, ayant été transféré au carrefour de la rue de la Vieille-Poterie et de la rue Royale, les officiers municipaux présentèrent à Mgr Jarente de la Bruyère une requête, afin qu'il consentit à modifier le tour de la procession générale du 8 mai. L'évêque, prenant en considération cette juste demande, promulguait, le 22 avril 1772, une ordonnance, statuant que désormais la procession du 8 mai, sortant de la cathédrale par la porte latérale du midi, passerait par la rue de l'Ecrivinerie, et continuerait sa marche en droite ligne, par la rue Bourgogne, jusqu'au coin de l'ancienne porte Dunoise ; que de là elle descendrait rue Sainte-Catherine, passerait par la porte de l'ancien pont, pour se rendre par le nouveau pont, à l'église des Augustins ; qu'au retour de cette église, ladite procession suivrait la rue Royale, à l'angle de laquelle se trouvait rétabli le monument autrefois érigé sur l'ancien pont ; qu'ensuite elle s'avancerait vers la place du Martroi, par la rue d'Escures, et la place l'Etape, pour rentrer dans la cathédrale par la porte latérale du Nord.


Ainsi, vers la fin du XVIIIe siècle, on n'allait plus ni à l'Est, ni à l'Ouest. Le passage devant Saint-Etienne, l'ancienne porte Bourgogne et devant Saint-Paul, où il y avait station, étant supprimé, les stations aux Tourelles et devant la porte Dunoise, n'étant plus qu'un un souvenir, la procession n'avait plus le caractère obsidional d'autrefois.


Mais comment était composé le cortège qui prenait part à la procession ?


C'est au chanoine Medon, auteur du Calendrier spirituel de l'Église d’Orléans (1764), que nous l'avons demandé, pour le XVIIIe siècle, comme nous l'avions trouvé, pour le XVIIe siècle, dans Le Maire, historien d'Orléans. Au 8 mai, sous la rubrique : La Délivrance de la ville d'Orléans, notre auteur insère cet avis


« Procession Générale de l'église cathédrale aux Augustins, sur les 10 heures :

MM. des Chapitres de Saint-Aignan, de Saint-Pierre-Empont et de Saint-Pierre-le-Puellier ;

Les Chanoines réguliers ;

Les Religieux mendiants.

Et les Corps de ville y assistent »


Celte énumération est encore trop succincte et bien vague avec les « Corps de ville », qui désignaient la partie laïque du cortège. Pour donc arriver à une connaissance exacte des participants à la procession du 8 mai, il est bon de recourir aux comptes de ville, car, la fête étant toute municipale, de par l'assemblée de ville de 1431, il revenait, au XVIIIe siècle, aux maire, et aux échevins, d'inviter les corps ecclésiastiques et laïques à la « fête de la ville » et même le prêtre qu'ils avaient, un an à l'avance, choisi, pour prononcer le panégyrique (AR 1906). L'invitation était faite par deux échevins à l'évêque, à l'intendant, aux chapitres et aux communautés religieuses.

Les curés de la ville, pas même les curés cardinaux et leur clergé, aucun des grands corps judiciaires, pas même l'Université, n'étaient conviés à la solennité.


Le 8 mai, à mesure que les corps invités arrivaient à Sainte-Croix, les cinquanteniers distribuaient à leurs membres une couronne de fleurs que ceux-ci passaient dans leur bras gauche, et un bouquet de même qu'ils portaient à la main avec un livret de l'office du jour, où se trouvait noté le chant et exposé le cérémonial à observer. Tous les membres du clergé, y compris les enfants de chœur, sauf les religieux, avaient reçu également, à leur entrée, couronnes et bouquets. Le corps municipal, les officiers, le colonel et le major de la milice bourgeoise, les capitaines et les lieutenants de la cinquantaine n'étaient pas moins fleuris ; de plus, chaque échevin recevait une paire de gants blancs.


Voilà, certes, une tradition « désuète », que nos « floricoles » de Saint-Marceau doivent pécuniairement regretter.

La messe dite et le panégyrique prononcé, la procession, au son du beffroi, se mettait en marche ; II était dix heures.


La troupe, quand il y en avait, ouvrait et fermait la marche. A son défaut, les cinquanteniers et les chevaliers du guet, qui avaient à assurer le bon ordre la remplaçaient.

Les enfants de l'hôpital général, des deux sexes, avec leur croix et leur bannière, étaient en tête du cortège, rangés sur deux ligne; l'une à droite, l'autre à gauche. A leur tête, au milieu de la chaussée, se trouvait le « Puceau » avec son costume rouge et jaune, tailladé à l'espagnole, et son drapeau. Son père ou son tuteur se tenait près de lui, portant une oriflamme.


Le « puceau » était un jeune garçon de 12 à 14 ans, choisi dans la classe rurale et même ouvrière. A l’origine, le Puceau n’était autre que le clerc du concierge de l’hôtel de ville, habillé aux couleurs d’Orléans, rouge et jaune, et portant un guidon de taffetas bleu, où se trouvaient les effigies du Roi et de la Pucelle, les armes et la devise de la ville.


Derrière, suivait une escorte de cinquanteniers, avec trompettes, tambours et hautbois.

Viennent ensuite les ordres religieux : les Minimes, les Capucins, les Récollets, les Augustins, les Carmes, les Jacobins. Puis les chanoines réguliers de Saint-Euverte. Les chanoines des collégiales de Saint-Pierre-le-Puellier, de Saint-Pierre-Empont et de Saint-Aignan. Enfin MM. du Chapitre cathédral, dont un des dignitaires, assisté d'un diacre et d'un sous-diacre, était l'officiant et dénommé le prélat.


Lorsque l'évêque assistait, il était derrière l'officiant, précédé de sa croix et de sa crosse, mais seulement en habit épiscopal parce que « l'office ne lui appartenait pas. »

Derrière Sa Grandeur, ou l'officiant, venaient, à droite, les corps judiciaires, qui relevaient de la ville, précédés et suivis des chevaliers du guet ; et à gauche, le corps municipal et des anciens maires, précédés et suivis des cinquanteniers.


Quand l'intendant daignait honorer la solennité de sa présence, était à la tête des tribunaux comme intendant de justice.


Quant à l'ordre des chants et du cérémonial, prescrit par ordonnances de NN. SS. les évêques en 1746, 1772 et 1790, il était tel :

En commençant, on chantait successivement le répons Non audietur, puis celui de saint Mamert, enfin celui de saint Aignan, réservé aux choristes de la collégiale de ce nom. Les répons devaient conduire jusqu’au pont.


Avant 1762, ce pont était encore le pont de la Pucelle, qui séparait le châtelet des Tourelles. Alors, au moment où l'on arrivait aux Tourelles, l'on tirait le canon, ou les boites ; le Puceau, avec son drapeau et son escorte, montait, au son d'une musique guerrière, sur l’échafaud dressé à l'extérieur du pont, et du haut de son échauguette, il saluait l'évêque, l'officiant ; puis l'intendant, le maire, les échevins et les membres des autres corps, à mesure qu’ils défilaient devant lui.


Après 1762, le pont à traverser pour se rendre à l'église des Augustins qui, comme bastille anglaise de 1429, remplaçait les Tourelles, était le nouveau pont, où aboutissait la rue Royale. Pour le gagner, la procession, après avoir franchi la porte de l'ancien pont obliquait à droite, et par le quai, atteignait le nouveau pont.


Vers le milieu, un des chapiers entonnait l'antienne In curribus ; l'autre commençait le psaume Omnes gentes, que les deux chœurs continuaient jusqu'à l'église des Augustins.

Les religieux Augustins recevaient tous les corps à la porte de leur église. Pendant que ceux-ci prenaient place, les choristes de Sainte-Croix et de Saint-Aignan allaient au réfectoire se réconforter avec les jambons, les petits pâtés, les langues et les chopines de vins rouge et blanc, que la municipalité y avait fait porter ! C'était le secrétaire de la mairie, qui faisait les honneurs du lunch conventuel à tous ceux du cortège, qui se présentaient. Les musiciens revenaient au chœur pour chanter le motet.


S'agit-il de l'ancien motet, moitié français, moitié latin, chanté eu XV° siècle ? Nous en doutons : en tout cas, c'eut été un contre sens, car il n'était fait que pour être exécuté en face des fières et célèbres Tourelles, illustrées par Jeanne d'Arc, à l'assaut du 7 mai. Or il n'y avait plus ni pont, ni « Belle-croix », ni monument, ni Tourelles.


Après l'oraison qui suivait le motet, on chantait en faux-bourdon le cantique de Moïse : Cantemus ; puis la procession sortait des Augustins et aux chants du psaume ln exitu, du cantique de Déborah : Qui sponte et dos psaumes Nisi quia Dominus et Fundamenta, elle repassait le nouveau pont, la rue Royale, faisait une pause devant le Monument de la Pucelle, restauré, placé à l'angle des rues de la Vieille-Poterie et Royale ; puis, obliquant sur le Martroi, elle gagnait le cimetière de Saint-Pierre-en-Sentelée, où les deux choeur commençaient l'hymne Luce quant â et s'engageait dans la rue d'Escures, traversait l'Étape, prenait la rue de l’évêché, chantant l'hymne : Publici fontes.


Lorsque la procession était arrivée à la porte latérale de Sainte-Croix, côté nord, MM, les chanoines de Saint-Aignan la quittaient, et s'en retournaient à leur collégiale, processionnellement en chantant le répons : Sint lumbi vestri.


Ce pendant la procession rentrait dans la cathédrale et l’hymne Totius fons sanctitatis étant achevée, le prélat disait l'oraison de l'Invention de la Sainte-Croix : Deus, in praeclara.


A Saint-Aignan comme à Sainte-Croix, le chant du Te Deum clôturait la solennité de la procession générale.


En faisant l'historique de la procession générale du 8 mai, du XVe à la fin du XVIIIe siècle, nous nous sommes proposé de démontrer combien elle était religieuse, et qu'elle faisait partie intégrante de l'action de grâces, instituée, ad perpetuum, par la municipalité.


Religieuse : en effet, elle l’était éminemment par l'élément ecclésiastique, qui dominait dans son cortège.


Les laïcs, comme les procureurs de la ville, plus tard, les maire, et échevins ; les membres des corps constitués, qui avaient été invités, devaient y assister, un cierge à la main, et munis d’un livret, où se trouvaient les chants religieux.


Bien plus, au XVe siècle, des princes de l'Eglise et nos évêques accordaient à ceux qui assisteraient, le 8 mai, à la procession des Tourelles, et, le lendemain, au service des Trépassés, un «pardon».


Le 9 juin 1452, c'est le cardinal d'Estouteville, légat du Saint Siège qui octroie une indulgence d'un an et 100 jours à ceux qui participeraient à tous les exercices de l'anniversaire, et 140 jours ceux qui n'assisteraient qu'à l'un de ces exercices.


Les Evêques d'Orléans, Thibault d'Aussigny, en 1453 ; François de Brilhac, en 1479, accordaient 40 jours d'indulgence. En 1482, le cardinal Rolin, à la requête des procureurs de ville, donnait 100 jours d'indulgence à « tous ceux qui seraient à la procession et aux services de la fête de ville. »


Partie intégrante : la procession était si bien considérée comme partie essentielle de la tête que, lorsque le mauvais temps ne permettait pas de sortir, elle se faisait dans l'intérieur de la cathédrale.

On commençait par le répons Non audietur, qui durait jusqu'à la chapelle de la Sainte-Vierge, Notre-Dame-la-Blanche, où, étant arrivés, les choristes chantaient l'antienne Regina caeli, comme dans l'église des Augustins, avec le verset et l'oraison. L'oraison finie, l'on chantait en faux bourdon, à la même station, le cantique de Moïse : Cantemus avec l'antienne Dextera, suivie des oraisons : Deus qui neminent et Quaesumus, omnipotens Deus et Famulus tuus et… rex noster…


En retournant au chœur, on entonnait l'antienne Benedictus ; un ensuite le cantique de Déborah : Qui sponte. S'il était nécessaire, on ajoutait le ps. Fundamenta, après quoi, l'on chantait l'antienne Benedictus.


La procession étant rentrée dans le choeur, l'officiant disait l'oraison de l'invention de la sainte Croix.

La Révolution devait supprimer la fête anniversaire de la Délivrance ; mais auparavant, elle en avait troublé le cérémonial traditionnel, en 1790, il n'y eut point de procession : les esprits étaient tout entiers à la fête de la Fédération, fixée au 9 mai. Tout le cérémonial du 8 mai se fit dans Sainte-Croix. L'abbé Ladureau prononça le panégyrique et, après la messe, la procession se fit à l'intérieur.


En 1791, la fête du 8 mai fut toute militaire : pas de messe, pas de panégyrique. On eut été bien embarrassé de constituer l'ancien cortège : plus de chapitres, plus de communautés religieuses ; un clergé constitutionnel, fort restreint et peu sympathique à la masse de la population.


En 1792, on se borna encore à une promenade semi-civile, semi-militaire. La marche était ouverte par la gendarmerie, puis suivaient, à des distances bien marquées, des bataillons de chasseurs, compagnie par compagnie ; ils précédaient la municipalité, renforcée du Conseil général, dont les membres étaient vêtus de noir : les municipaux se distinguaient des conseillers par l'écharpe tricolore. Il y avait aussi les canonniers. Le bel escadron de la cavalerie bourgeoise fermait la marche. Tous portaient encore le bouquet traditionnel.


Parti de la maison commune, le cortège, par la rue Bourgogne gagna le pont Royal et se rendit à l'église de Saint-Marceau, à la porte de laquelle ; l'abbé Pataud, curé-intrus, assisté de ses vicaires, reçut et reconduisit la municipalité ; celle-ci n'y demeura que pendant le chant du Te Deum. En revenant, on remonta la rue Royale jusqu'au monument de la Pucelle, où fut chanté un motet en français. Puis, par le Martroi et la rue d'Escures, on regagna la mairie. Sur le passage dudit cortège, toutes les boutiques — on ignorait le nom de magasin — étaient fermées. En 1793, la municipalité jacobine, supprima la fête, fit démolir le monument de la Pucelle, et laissa les sans-culotte brûler le vrai chapeau de la Pucelle. Un employé de la mairie, le sieur Loché, réussit à sauver le drapeau dit de la Pucelle, copie d'un plus ancien


L'éclipse de la « fête de la Ville », d'abord partielle, puis totale, fut, cette fois, fort longue. Le soleil de la tradition ne mit pas moins de dix années pour sortir de la pénombre révolutionnaire, qui l'enveloppait ; et la fête du 8 mai, au début du XIXe siècle, reparut avec toutes ses antiques splendeurs.


 

RÉTABLISSEMENT DE LA FÊTE DU 8 MAI EN 1803


De 1792 à 1802, il n'y avait pas eu seulement interruption de la procession, mais encore suppression complète de la fête civile. Néanmoins, les fêtes civiques ou décadaires n'avaient pas fait oublier aux Orléanais la fête du 8 mai. Seul le clergé, suivant les prescriptions de son ordo, faisait mémoire, privatim et dans ses cachettes, à son office et à la messe, de la Délivrance d'Orléans par Jeanne d'Arc.


Le Concordat signé, puis promulgué, les Orléanais exprimèrent hautement leur désir de voir se rétablir la fête de la Délivrance. Le préfet, le maire, l'évêque ne pouvaient l'ignorer ; mais on ne pouvait rien sans l'autorisation du gouvernement.

La municipalité prit sur elle le parti d'attirer son attention sur ce point, en sollicitant son approbation pour l'érection, le 8 mai 1803, d'un nouveau monument en l'honneur de la Pucelle d'Orléans.


Le statuaire Gois, lui ayant soumis un projet, qui consistait en une statue, il nommait une commission de 12 membres, choisis parmi les artistes et les gens de goût de la ville. Ceux-ci ayant opiné qu'il fallait d'abord se contenter d'un modèle en plâtre « pour éprouver l'effet », le conseil décidait, que le monument serait placé sur le Martroi, à l'endroit, « où était placé le corps de garde ». Le choix de l'œuvre de Gois et de l'emplacement fut soumis au gouvernement, qui prit une décision favorable aux vœux du conseil municipal (8 février 1803).


Ce que celui-ci n'avait pas osé demander : le rétablissement de la fête, comme elle existait avant 1793, l'évêque d'Orléans prit sur lui de le réclamer. Au lendemain de la tourmente révolutionnaire, c'était là une initiative hardie.

Tout d'abord, il sonda le terrain gouvernemental ; se trouvant, en ventôse an XI, à Paris, il profita d'une entrevue qu'il eut avec le premier consul, dont il avait l'oreille, pour lui rappeler la fête de la Délivrance, sujet « sur lequel Bonaparte avait bien voulu s'expliquer le premier instant de sa nomination à l'Evêché d'Orléans ».


Ayant reconnu qu'une proposition ferme, en ce sens, avait tonte chance d'aboutir, après s'être renseigné sur l'ancien programme, dès son retour à Orléans, Mgr Bernier adressait, le 23 février 1803, à Portalis, chargé des cultes, une longue lettre, pour lui exposer que « religion ne pouvait être étrangère » à la fête anniversaire du 8 mai.

Toutefois, avant de se prononcer sur le programme épiscopal, il voulut avoir l'avis du préfet, que le secrétaire d'Etat, H.-B. Maret, dont le préfet était le frère aîné, fut chargé officiellement par le premier consul d'obtenir le plus tôt possible.


En conséquence, le 14 mars 1803, Hugues Maret adressait à J.-B. Maret cette note, dont l'intimité relève l'importance.

« Mon cher ami, le premier consul désire que tu m'envoies, pour lui, un mémoire détaillé sur la fête de la Pucelle ; que tu y joignes ton opinion sur le cérémonial qui se pratiquait et sur celui qu'on pourrait observer, dans le cas où il conviendrait de célébrer cette fête véritablement nationale.

« Je t'écris à la hâte, parce que les vouloirs du consul sont pressés et pressants.

« Ma femme se porte bien, nous vous embrassons tous.

« H.-B. Maret.

« P. S. — On désire faire quelque chose qui soit agréable aux Orléanais, dont la conduite parait améliorée. »

23 ventôse (an XI).


Le préfet ne perdit pas de temps pour transmettre à son impatient frère une notice sur les cérémonies observées jadis, tous les ans, le 8 mai. Celui-ci la communiqua à Bonaparte, qui, après lecture, y mit cette annotation : « Renvoyé au consul Cambacérès, pour me faire connaître son opinion sur le rétablissement de cette fête. »


Avant l'échéance du 8 mai, le gouvernement consulaire avait sous les yeux les rapports de l'évêque et du préfet : il pouvait donc, en connaissance de cause, se prononcer officiellement. Ce que Mgr Bernier voulait, avant tout, c'était rétablir les cérémonies religieuses, l'office et la procession, « qui se célébraient, tous les ans, le 8 mai » (fin février).


Pour mieux fixer les idées de Portalis, écrit le R. P. Dudon (Pour Jeanne d’Arc, revue Etudes 5 mai 1907) le prélat lui envoyait deux exemplaires du cérémonial usité, auxquels il ajoutait son appréciation sur la liturgie observée en la fête du 8 mai.


Assimilant la délivrance de la France du joug des jacobins et du schisme des constitutionnels à la double délivrance d’Orléans du joug des Huns et des Anglais, il avait imaginé de modifié en ce sens le processionnal et le missel, ordonnancés, au XVIIIe siècle, par ses prédécesseurs.


Ici, il convient de citer : « Nul répons n'est plus analogue aux malheurs dont le premier consul a délivré la France, que celui qui commence l’office de ce célèbre anniversaire : Non audictus ultra iniquitas in terra tua, et vastitas et contritio in terminis tuis. Nuls rapprochements ne sont plus frappants que ceux qui sont exprimés dans tout l'Office de ce jour. On dirait qu'on a résumé, plusieurs siècles avant la Révolution, tout ce qui pouvait retracer en grand le sublime ouvrage de celui qui vient de la terminer ».


Le R. P. Dudon, à qui nous devons la publication de ce rapport ajoute : « Emporté par ce mouvement de l'âme, qui, d'un vol irrésistible s'en va de la « grande pitié » du XVe siècle à la terreur jacobine d'hier, Bernier conteste qu'il s'est pris à modifier les paroles de la « messe traditionnelle de la Délivrance »

« Je fais joindre à cet office, dit-il au ministre, une messe particulière, qui sera chantée en musique, et dont toutes les paroles sont tirées des endroits les plus sublimes de l’Ecriture et les plus Propres à enflammer le patriotisme (cette messe composée par l’évêque ne nous est pas parvenue).

« Je remplacerai aussi le psaume Exaudiat par le psaume de Judith, montrant la tête d'Holopherne. J'y joindrai la prière pour les Consuls, un psaume et des hymnes analogues, à la place de celles qui n'ont de rapport qu'à la Dédicace de l'église d'Orléans. Et mêlant de nouveau les événements du jour aux souvenirs du passé, le prélat continue :

« Je conserverai ce qui a rapport aux louanges de saint Aignan, patron spécial d'Orléans, qui avait contraint Attila à lever le siège immédiatement avant sa défaite par Aetius. Ces deux délivrances sont faites pour être rapprochées l'une de l'autre.

«Nous ferons à une troisième, que la France partage avec nous, des allusions assez fortes pour que la reconnaissance publique les entende et les sente. »

On ne peut être plus courtisan.

En terminant sa lettre au ministre des cultes, l'évêque le priait de soumettre son projet au premier Consul.

« J’espère, écrivait-il, qu'il daignera l'accepter, et je bénirai le ciel de m'avoir ménagé, dès la première année de mon épiscopat, la douce consolation d'avoir vu rétablir une solennité aussi chère à tous les bons français qu'elle l'est à mon diocèse. »


Portalis avait transmis la lettre de Bernier à Bonaparte avec cette réflexion « Le plan des prières que l'évêque a choisies pour cette fête me parait bon et piquant », et quelques semaines plus tard, il appuyait cette démarche de Bernier de cette note : « L'idée de ressusciter la procession générale pour la Délivrance d’Orléans par Jeanne d'Arc ne peut être que très utile au progrès de l'esprit public. Les hymnes sont barbares et il serait à désirer qu’on en composât de nouvelles qui s'adaptassent mieux à la circonstance. Il serait bon encore de faire composer en français un hymne plein de chaleur, qu'on ferait chanter dans quelques édifices publics ou au spectacle, s’il y a un spectacle à Orléans (plus tard, la cantate à l’Etendard du chanoine Laurent répondra au vœu de Portalis) »


Le 15 mars, en marge de la feuille, Bonaparte signait l’ordre que voici « Renvoyé au ministre de l’Intérieur, pour faire arrêter le règlement pour cette fête et pour composer tous les hymnes. »


Dès que Bernier, déjà avisé le 25 février, par Portalis, que le gouvernement consulaire goûtait son projet, que le rapport de Chaptal aux Consuls avait été approuvé, il confiait aux poètes de son entourage la tâche de faire les trois hymnes: une sur la mission de Jeanne, la seconde, sur la Délivrance d'Orléans, la troisième sur la Vierge prisonnière et martyre. Quels étaient ces poètes officieux ? Faute de documents, nous ne pouvons que le conjecturer parmi les prêtres d’Orléans qui, en ce genre, avaient fait leurs preuves. Au premier rang, nous rencontrons M. Blain, vicaire général, qui est l’auteur de la prose de l’Invention de la Sainte-Croix et M. Dubois, chanoine théologal, qui connaissait admirablement la liturgie orléanais.

Ce remaniement du texte liturgique de la messe du jour et des hymnes du processionnel fut-il réalisé ? On ne peut que le présumer ; en tout cas, il n'en reste aucune trace, sauf l'hymne de la « mission de Jeanne d'Arc», annexée au rapport que le ministre de l'Intérieur fit, le 20 avril 1803, sur le dispositif épiscopal du cérémonial du 8 mai.


Ainsi la délivrance de la France par Bonaparte est, pour le poète, aussi providentielle que la Délivrance d'Orléans par Jeanne d'Arc. La victoire de la Pucelle est ici la prophétie de celle du premier Consul.

Portalis, Chaptal, Bonaparte et Bernier pouvaient être satisfaits. Mais rapprocher Bonaparte le politique de Jeanne d'Arc la Vénérable nous semble bien hardi.


Mais supposé que l'évêque ait eu le temps d'opérer sa révision des chants liturgiques, au missel et au processionnal, les strophes « non barbares » d'hymnes, qui étaient de forme plus horatienne que médiévale, furent-elles chantées sous les voûtes de Sainte-Croix, ou dans le parcoure à travers la ville ? Nous ne le pensons pas.


Pataud, le seul chroniqueur, qui ait consacré quelques lignes à la fête du 8 mai 1803, n'aurait pas manqué de relever les innovations apportées par l'évêque à un cérémonial plus que séculaire. Pour nous, son silence sur ce point et l'absence de tout feuillet imprimé, nous autorisent à croire que la nouvelle messe et les nouvelles hymnes, n'ayant point été éditées, ne furent point exécutées.

Ce qui nous confirme dans cette croyance, c'est que pour la fête de 1801, un vieux chanoine lorrain, poète médiocre et un tantinet musicien, recommandait au maire d'Orléans d'adapter au processionnal les petits poèmes latins et français, qu'il lui avait adressés au lendemain de la fête de 1803. Il se nommait Chaligny-Deplaine ; il était chanoine de Verdun et nonagénaire. Sa démarche toute poétique mérite que nous lui accordions quelques lignes (Jeanne d’Arc et la musique, par E. Huet).

En apprenant, au commencement de l'an 1803, que la municipalité allait reprendre la fête annuelle du 8 mal, notre Santeuil « sur le champ » accordait sa lyre, et composait une série de poésies latines et françaises, qu'il s'empressait de soumettre au maire d’Orléans. Mais tous ces petits poèmes arrivaient trop tard. La fête du 8 mai 1803 était passée.


Néanmoins, le maire, en remerciant l'auteur, lui déclara « qu'il aurait soin d'en faire part à M. Bernier, son évêque, à son retour de Paris, où les affaires le retenaient depuis quelques semaines. »

Le vieux barde, espérant qu'on accepterait pour 1804 ce n'avait pu se faire en 1803, en profitait pour ajouter un hymne à huit strophes sur le chant de l'hymne liturgique : Deus resonat; et pour ajouter à son « vaudeville » deux couplets.

Mais l'évêque n'ayant pas maintenu ses additions, ni agréé celles du chanoine de Verdun, l'ancien cérémonial avec ses répons et ses hymnes « barbares », fut suivi en 1803 et bien au-delà

Revenons à l’historique du rétablissement officiel, en 1803, de la fête du 8 mai.


Le 21 avril, le ministre de l’Intérieur adressait au premier consul son rapport sur le rétablissement sollicité par l’évêque et le maire d’Orléans. « Sans être dévot, ce fils de la religieuse Lozère avait compris à merveille la politique concordataire et volontiers il y prêta son concours. C’était à ses yeux une opération hardie et nécessaire que celle que le consul avait entreprise de rendre à la religion nationale tout son éclat public ».


Le 22 avril, quand le rapport de Chaptal vint au travail des ministres avec les consuls, H. Maret écrivit en marge : APPROUVÉ.


La grande fête du 8 mai, si chère aux Orléanais, pouvait donc à nouveau être célébrée.

De tous ces pourparlers entre les pouvoirs, qui étaient sympathiques au rétablissement de la fête de la Délivrance, était sortie une entente sincère. Cette entente eut pour résultat le renouvellement de la charte municipale, qui, clero populoque consentiente avait établi la fête du 8 mai, sons la forme d'un arrêté municipal. En effet, pris avec l'autorisation du gouvernement et de concert avec l'évêque, cet arrêté du maire rétablissait la même fête dans l'esprit et avec le même cérémonial décrété jadis par l'assemblée de ville.


Au fond, avec sa messe d'actions de grâces, le panégyrique, la procession solennelle sortant de la cathédrale pour y revenir, la fête du 8 mai redevenait, comme autrefois, éminemment religieuse ; et nos pères, en 1803, ne l'auraient pas compris ni accepté autrement. Ainsi, l'évêque d'Orléans, bien qu'invité, avait-il voix consultante et prépondérante dans le cérémonial. Satisfait de la part que la religion conservait dans la fête, il conçut l'idée d'associer Rome même à la reprise de la fête de ville.

Comme Mgr Bernier avait remarqué que jadis ses prédécesseurs avaient accordé, pour le 8 mai, une indulgence partielle, il eut la pensée de solliciter du Saint-Siège une indulgence plénière en faveur des fidèles, qui sanctifieraient la fête par la confession et la sainte communion, assisteraient à la procession solennelle, ou visiterait l'église de Saint-Marceau, paroisse sur laquelle se trouvait anciennement le fort des Tourelles. S. Em. le cardinal Caprara, légat du Saint-Siège, en France, accueillit favorablement la demande de Mgr Bernier ; et, dans un bref daté à Paris, du 6 mai 1803, il accordait, pour sept ans, la faveur sollicitée.

Ses successeurs immédiats ne devaient pas la renouveler. Nous verrons plus loin que Mgr Coullié devait se souvenir de cette faveur pontificale ad tempus pour l'obtenir à nouveau, mais ad perpetuum.


L'approbation consulaire donnée seulement le 22 avril, il n'y avait plus de temps à perdre pour organiser la fête du 8 mai. Le maire, comme successeur des procureurs de ville, était resté le grand ordonnateur des cérémonies. Tout se fit d'accord avec l'évêque pour la « partie religieuse » ; avec le général commandant la subdivision pour la « partie militaire ».


Ces dispositions prises, le 23 avril 1803, Mgr Bernier publiait un mandement pour le « rétablissement de la fête commémorative de la Délivrance d'Orléans par Jeanne d'Arc. » Le dispositif était précédé d'un exposé historique qui, au dire du chroniqueur Pataud, était si bien fait, « qu'il parut provenir d'un auteur possédant en maitre l'histoire de Jeanne d'Arc et da Charles VII ».

De son côté, du 2 au 4 mai, M. Crignon-Désormeaux, maire d'Orléans, faisait afficher le programme municipal, qui comprenait mène tout le cérémonial religieux.


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