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Lettre prescrivant un Te Deum à l'occasion de l'Armistice


LETTRE PASTORALE DE MGR L’EVEQUE D’ORLEANS

Prescrivant un Te Deum d’actions de grâces

A l’occasion de l’armistice du 11 novembre 1918

Cette lettre sera lue dans toutes les église de la ville d’Orléans, aux Vêpres du dimanche 17 novembre ; dans les autres églises du Diocèse, à la grand’messe.

Orléans, le 14 novembre 1918

Très chers frères et amis,

Le dimanche 17, après la messe célébrée à 11 heures du matin dans la cathédrale, et au salut du Saint Sacrement avant le Tantum Ergo final, dans toutes les autres églises et chapelles du diocèse, un Te Deum sera chanté à l’occasion de cet armistice terrible, mais en vérité juste, que le généralissime Foch vient d’imposer à l’ennemi, définitivement et irrémédiablement vaincu.

Qu’est ce que le Te Deum ? l’hymne de la joie, l’hymne religieux de la joie, par excellence, par définition ; tellement l’hymne de la joie, que nous nous étions imposés et vous avions imposé de ne jamais le chanter, avant que la France fût victorieuse et délivrée, ou que par un glorieux fait d’armes, Metz et Strasbourg, pour le moins, fussent retombées entre nos mains.

Lorsque nos chers amis Belges venaient me demander un Te Deum pour la fête de leur auguste roi, je répondais invariablement : Tout ce que vous voudrez : vous et votre roi êtes dignes de tout : cependant pas de Te Deum. On ne chantera le Te Deum que quand tout sera terminé par le triomphe de la Justice et du Droit.

C’est fait ! C’est fait !

Avant-hier, les cloches qui avaient sonné la mobilisation ont sonné le triomphe. Qu’elles chantaient donc bien sur nos horizons orléanais, antiques témoins des grandes délivrances, dominées par la voix grave de la Jeanne-d’Arc, que nos amis les Américains avaient voulu mettre en branle !

Quelle joie débordante, délirante dans nos rues ! Comme elles vivaient sous leur parure de drapeaux ! Ce matin, l’aube à peine blanchissante, j’ai aperçu sur les tours de Sainte-Croix les deux immenses flammes tricolores, signes de nos plus augustes solennités patriotiques, qui vibraient dans le vent vif. Je les avais vues cinquante fois. Il m’a semblé, tout en les reconnaissant, que ce n’étaient pas les mêmes. Il y avait en elles je ne sais quoi, qui ne m’avait pas encore saisi, j’ai eu l’impression qu’elles ne remuaient pas seulement, qu’elles parlaient, qu’elles étaient là-haut les anges de la résurrection de la Patrie, jetant à la ville et aux campagnes le cri superbement triomphal :

C’est fait ! c’est fait !

L’heure est donc venue de l’apothéose ! Il est permis de nous livrer tous à l’exultation du Te Deum ; de chanter la gloire de Dieu et celle de la France.

Oh oui ! gloire à Dieu : il a réalisé de magnifiques choses par la main de nos héros ; magnifice fecit. Le Kaiser s’enflait au titre sonore de « Seigneur de la guerre ». Celui qui s’est fait décerner par le psalmiste le nom de « Seigneur des armées » Dominus Sabaoth, aura-t-il trouvé qu’il y avait usurpation de la part de l’Allemand ? Quoiqu’il en soit, il a regardé de ce regard qui foudroie ; et le superbe impie est tombé. Il est tombé, mais pas de la mort des braves ; mais pas même pris à la tête de son armée et donc toujours soldat ; il est tombé en fuyard, au fond d’un train spécial, avec la joie de savoir derrière lui un fourgon plein de victuailles amassées là par des mains prévoyantes. Pour compléter : lui, le voyageur ostentatoire devant lequel toute frontière s’abaissait, a dû tirer la sonnette à la porte de la petite Hollande afin d’apprendre si on lui permettrait d’y séjourner ; cela c’est le coup de sifflet du Seigneur des armées, Dominus Sabaoth, au « Seigneur de la guerre. »

C’est fait et bien fait ! Te Deum laudamus !

Gloire à Dieu ! Ils en avaient appelé tous les maitre et les sujets, à leu « vieux Dieu ». Qu’était-ce bien, celui-ci ? Wotan ? Irmensul ? On n’a jamais trop su. Mais Celui qui est le seul puissant, le seul Très-Haut, le seul vrai, d’un mot le seul Dieu, s’est levé contre l’idole ; il l’a frappée au front ; et elle est tombée en poussière, comme ces peupliers vermoulus, qui ont de l’écorce mais plus de cœur, et que les vents d’automne finissant abattent dans nos prés.

C’est fait et bien fait ! Te Deum laudamus !

Gloire à nos soldats, gloire à tous leurs chefs, que nous ne pouvons nommer, mais notre cœur sait ! Gloire aux illustres parmi les illustres. Joffre, Foch, Clémenceau, forgerons de la victoire, forgerons de l’armistice, forgerons de la paix ! du poilu héroïque qui n’a même pas une tresse de laine sur la manche, aux maréchaux de génie qui y portent les sept étoiles qu’ils ont donc bien besogné, ainsi que disait notre Jeanne d’Arc. Deux ou trois fois nous avons tremblé pour Paris et la France, deux ou trois fois ils ont barré la route à l’Allemand, l’ont pris à bras le corps et lui ont à demi cassé les reins. Il y a quatre mois à peine, le monde nous voyait, ici avec terreur et là non sans joie, à deux doigts de notre perte.

Grâce à notre armée et à celle de nos alliés ou associés, Portugais, Tchéco-Slovaques, Serbes, Grecs, Belges, Italiens, Britanniques, Américains, d’Ostende, à Damas, tout de la Bulgarie, de la Turquie, de l’Autriche-Hongrie, de l’Allemagne a été culbuté, emporté. Foch a donné un coup d’épaule à la vieille histoire ; une histoire nouvelle va commencer. Que sera-t-elle ? Le président Clémenceau en a-t-il composé l’épigraphe dans ce discours de sagesse géniale où l’illustre vieillard disait : « solidarité avec nos alliés et puis, permettez-moi de vous le dire, solidarité française… Ah ! comme nous nous sommes bien saïs, détestés, exécrés les uns les autres, et combien nous avons été heureux de nous retrouver frères et amis en ces jours terribles ! Grâce à cette consolation, nous avons tout supporté, ceux de droite, ceux de gauche, ceux du centre : il n’y avait plus que des Français… Il faut que cela demeure… Il faut être humanitaire, mais Français d’abord, car la France représente une valeur dans le monde qui fait qu’on ne peut servir l’humanité au détriment de la France ».

Dieu et les hommes vous entendent, Monsieur le Ministre ! Le courage de nos armées, le sang mélangé de tout le monde dans le vaste torrent rouge, l’exemple de la grande république américaine, sage, tolérante, prospère, brave et forte, peut-être nous auront mérité ces biens.

Te Deum laudamus !

Gloire à l’Alsace-Lorraine fidèle ! Quarante-huit ans qu’elle attend ce jour ! Quarante-huit ans que Keller protestait au nom des provinces tragiquement amputées, que rien ne pourrait les détacher de la France, rien, ni les séductions de la faveur, ni les enveloppements de l’habileté, ni les tentatives de la force. Quelques-uns pensaient, il n’y a pas bien du temps encore : « c’est rompu à jamais tout de même. L’Allemagne ne lâchera pas sa proie. Songez, l’Allemagne ! la redoutable Allemagne … ! » Eh bien, l’Allemagne râle. Femmes d’Alsace remplacez le ruban noir de vos hautes coiffures par un ruban tricolore. Drapeau sacré de notre pays, qui te mires dans la Seine et la Loire, le Rhône et la Garonne va ! va mon drapeau porté sur les ailes embrasées de la Victoire, te refléter dans le Rhin, et que ton image auguste y rayonne dans les siècles.

Le prétendu impossible est réalisé.

Te Deum laudamus !

Et vous, mutilés ; et vous, soldats de terre et de mer, rois des airs ; vous, morts sacrés, couchés « dans la Grande bataille… à la face de Dieu », vous, martyrs de la Patrie ; et vous pères malheureux, mères brisées, épouses douloureuses qui ne savez présentement ni comment vous réjouir, ni comment pleurer ; souffrez tous, que dans votre béatitude ou votre angoisse, nous vous offrions, en signe d’hommage fraternel et de profond respect, ce Te Deum.

Te Deum laudamus !

Allons chantez cloches, chantez orgues ! chantez âpres et vaillante Serbie, Italie fière et mélodieuse, Belgique terre d’honneur héroïque, Angleterre impassiblement tenace, Amérique toute d’élan et d’enthousiasme, France qui a cher conquis le droit de mener le chœur. Ce n’est pas assez, chantez Humanité libérée, acclamez toute entière l’armistice. Gloire à Dieu au plus haut des cieux ! Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté.

Et qu’enfin, ornée de ses lauriers, rajeunis, belle de la noblesse de ses dessins au dehors, forte de son union au-dedans, vive, vive à jamais la France !

STANISLAS, Evêque d’Orléans

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