La dernière messe de minuit à Sainte Hélène de Vannes (légende solognote)
Dans les Annales Religieuses - 1892
La route de Jargeau à Aubigny est bordée par des hauteurs, qui tantôt se dressent en mamelons, tantôt se courbent en coteaux plus ou moins prolongés. Elles contribuent à donner è la contrée un caractère pittoresque et un charme tout particulier. De leur sommet, l'œil s'étend au loin sur les vastes champs, les sapinières odorantes, les vertes prairies, les genêtières si recherchées par les moutons, et ces immenses taches roses, que les bruyères en fleurs répandent sur la campagne, et qui tendent à devenir de plus en plus rares. L'une des hauteurs, situées entre Vannes et Isdes, l'une à droite et l'autre à gauche de la route, porte encore le nom de Sainte-Hélène.
Si l'on en croit les anciens du pays, Vannes était jadis une ville, qui couvrait une grande surface de terrain jusqu'à l'endroit, dont nous parlons. Quand la ville n'était déjà plus ville, mais était descendue au rang de simple village, une église dédiée à sainte Hélène dominait encore la hauteur.
Une nuit de Noël que les habitants d'alentour y entendaient la messe et remplissaient la nef, ils s'aperçurent que lentement l'édifice s'engouffrait dans le sol. Tous les assistants de sortir précipitamment, et de revenir en toute hâte, apportant dos madriers, des poutres, des cordes et des instruments de toutes sortes ; et vite ils réunirent leurs forces pour empêcher le monument de s'engloutir davantage. Après des efforts quasi surhumains, ils vont réussir dans leur entreprise ; l'église se maintient assez ferme sur le sol. Pendant ce temps, les femmes et les enfants priaient ; aussi certains disaient "Nous en viendrons à bout".
Mais d'autres renvoyèrent les femmes et les enfants, quand ils crurent avoir conjuré le péril, ajoutant : "A présent, nous n'avons plus besoin de l'aide de Dieu. Nous la tenons, nous l'aurons bien sans lui". Mais à peine avaient-ils prononcé ces téméraires paroles que l'église s'enfonçait entièrement entrainant avec elle les travailleurs, qui s'étaient trop fiés à leurs propres forces et avaient dédaigné le secours de Dieu.
Et maintenant, sur la hauteur de Sainte-Hélène, surgissent ça et là des pièces de bois énormes, que les charretier, des fermes voisines ont vainement tenté d'arracher des trous, où elles sont enfouies. On dit que ce sont les poutres de l'ancienne église, qui sont remontées à la surface terrestre. Il y a aussi, un peu plus bas, une fontaine. On rapporte que, quand on passe auprès pendant la nuit de Noël et qu'on se penche sur l'eau, on entend sous terre sonner la messe et des chants mélodieux qui, montant des abîmes, célèbrent sur une tonalité assourdie la gloire de l'Enfant Dieu.
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